Excalibur
qu’une légende, car cela remonte à un passé trop reculé pour que le
souvenir en soit exact. » L’évêque parlait de l’Année Noire où les Romains
avaient pris Ynys Mon, et détruit le cœur même de la religion des druides,
sombre événement arrivé il y avait plus de quatre siècles. « Pourtant,
là-bas, les gens parlent encore du sacrifice du roi Cefydd, poursuivit Emrys.
Il y a bien longtemps que j’ai entendu cette histoire, mais Balise y croyait
encore. Cefydd affrontait l’armée romaine et paraissait sur le point d’être
écrasé, aussi sacrifia-t-il ce qu’il avait de plus précieux.
— Et c’était ? »
demanda Arthur. Il avait oublié les lumières dans le ciel et regardait fixement
l’évêque.
« Son
fils, bien entendu. Il en fut toujours ainsi, Seigneur. Notre propre Dieu a
sacrifié Son Fils, Jésus-Christ, et il a même demandé à Abraham de tuer Isaac,
bien qu’ensuite, Il soit revenu sur sa décision. Mais les druides de Cefydd le
persuadèrent de tuer son fils. Cela n’a pas marché, bien sûr. L’Histoire rapporte
que les Romains ont massacré Cefydd et toute son armée, puis rasé les bosquets
des druides, sur Ynys Mon. » Je sentis que l’évêque était tenté de
remercier son Dieu de cette destruction, mais Emrys n’était pas Sansum et avait
donc assez de tact pour taire sa gratitude.
Arthur s’avança
vers la galerie. « Qu’est-ce qui se passe sur cette colline ?
demanda-t-il à voix basse.
— Je ne
peux pas vous le dire, Seigneur, répondit Emrys, plein d’indignation.
— Mais
vous croyez qu’on est en train de tuer ?
— Je
crois que c’est possible, Seigneur, dit craintivement Emrys. Je pense même que
c’est probable.
— Tuer
qui ? » exigea Arthur, et l’âpreté de sa voix fit que tous les hommes
rassemblés dans la cour détournèrent les yeux de la magnificence du ciel pour
le regarder fixement.
— Si c’est
l’ancien sacrifice, Seigneur, et le sacrifice suprême, alors ce doit être le
fils d’un chef.
— Gauvain,
fils de Budic, et Mardoc, dis-je doucement.
— Mardoc ? »
Arthur pivota pour me faire face.
« Un
enfant de Mordred », répondis-je, saisissant soudain pourquoi Merlin m’avait
questionné sur Cywyllog, pourquoi il avait emmené l’enfant à Mai Dun, et
pourquoi il avait si bien traité le petit garçon. Comment n’avais-je pas
compris plus tôt ? Cela me semblait évident maintenant.
« Où est
Gwydre ? » demanda brusquement Arthur.
Durant
quelques battements de cour, personne ne répondit, puis Galahad montra du geste
le corps de garde. « Il était avec les lanciers durant notre dîner. »
Mais Gwydre n’y
était plus, ni dans la pièce où Arthur dormait quand il était à Durnovarie. On
ne le trouva nulle part et personne ne se rappelait l’avoir vu depuis le
crépuscule. Arthur oublia totalement les lumières magiques tandis qu’il
fouillait le palais des caves au verger, mais il ne découvrit aucun signe de
son fils. Je pensais aux paroles de Nimue sur Mai Dun, lorsqu’elle m’avait
encouragé à amener Gwydre à Durnovarie, et me rappelais sa discussion avec
Merlin, à Lindinis, sur l’identité de celui qui dirigeait la Dumnonie ; je
ne voulais pas croire mes soupçons, mais ne pouvais les ignorer. « Seigneur,
dis-je en retenant Arthur par la manche, je crois qu’on l’a emmené sur la
colline. Pas Merlin, mais Nimue.
— Il n’est
pas fils de roi, fit remarquer Emrys avec une grande inquiétude.
— Gwydre
est le fils d’un chef ! cria Arthur. Est-ce que quelqu’un nierait cela ? »
Personne ne le fit, ni n’osa prendre la parole. Arthur se tourna vers le
palais. « Hygwydd ! Une épée, une lance, un bouclier, Llamrei !
Vite !
— Seigneur !
intervint Culhwch.
— Silence ! »
cria Arthur. Il était fou de rage et c’est sur moi qu’il déchargea sa colère
car je lui avais conseillé de permettre à Gwydre de venir. « Savais-tu ce
qui allait arriver ? me demanda-t-il.
— Bien
sûr que non, Seigneur. Je ne le sais toujours pas. Crois-tu que j’aurais pu
faire du mal à Gwydre ? »
Arthur me
regarda d’un air sombre, puis se détourna. « Il n’est pas nécessaire qu’aucun
de vous m’accompagne, lança-t-il pardessus son épaule, mais je vais à Mai Dun
chercher mon fils. » Il traversa la cour à grands pas jusqu’à l’endroit où
Hygwydd, son serviteur, tenait Llamrei pendant qu’un palefrenier la sellait.
Galahad
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