Excalibur
que nos ennemis en avaient bien l’intention. Ils
entassaient des provisions dans Londres et Pontes et ne faisaient nul
préparatif sur la frontière sud. Culhwch, qui la gardait, avait mené des raids
en Llœgyr, fort loin, et nous dit qu’il n’avait découvert aucune concentration
de lanciers, aucun signe que Cerdic amassât des céréales ou de la viande à Venta
ou dans une autre ville de la frontière. Tout indiquait un unique assaut,
brutal et écrasant, dans la vallée de la Tamise, qui permettrait aux Saïs d’atteindre
le rivage de la mer de Severn après une bataille décisive menée quelque part
aux environs de Corinium. Les hommes de Sagramor avaient déjà préparé de grands
feux d’alarme sur les collines de chaque côté du fleuve, et d’autres encore sur
les monts qui s’étendaient au sud et à l’ouest, en Dumnonie, et quand nous
verrions la fumée de ces feux, nous marcherions tous vers nos postes.
« Ce ne
sera pas avant Beltain », dit Arthur. Ses espions, infiltrés dans les
manoirs d’Aelle et de Cerdic, avaient tous rapporté que les Saxons
attendraient, pour attaquer, d’avoir célébré la fête de leur déesse Eostre, qui
avait lieu une semaine après Beltain. Ils désiraient sa bénédiction, expliqua
Arthur, et voulaient laisser aux bateaux pleins de guerriers avides le temps de
traverser la mer à la saison nouvelle.
Mais après la
fête d’Eostre, ils nous envahiraient et Arthur les laisserait s’enfoncer
profondément en Dumnonie sans leur livrer bataille, bien qu’il ait prévu de les
harceler tout le long du chemin. Sagramor et ses lanciers endurcis se
retireraient devant la horde saxonne, n’offrant qu’un minimum de résistance sans
former de mur de boucliers, pendant que notre chef rassemblerait l’armée alliée
à Corinium.
Culhwch et
moi, nous reçûmes des ordres différents. Notre tâche était de défendre les
collines au sud de la Tamise. Nous ne pouvions pas espérer vaincre un assaut
saxon résolu qui les traverserait, mais Arthur ne s’attendait à rien de tel.
Les Saxons, répétait-il, marcheraient vers l’ouest, toujours vers l’ouest, le
long du fleuve, mais ils lanceraient forcément des razzias dans les collines
pour se procurer des céréales et des bestiaux. Notre tâche serait d’arrêter ces
raids, forçant ainsi les pillards à se retourner vers le nord. Les Saxons
traverseraient la frontière du Gwent et cela pourrait pousser Meurig à leur
déclarer la guerre. Ce qu’Arthur ne disait pas, mais que chacun de nous dans
cette pièce enfumée savait déjà, c’était que, sans les lanciers bien entraînés
du Gwent, la grande bataille qui se déroulerait près de Corinium serait un
combat désespéré. « Alors combattez-les durement, nous dit Arthur, à Culhwch
et à moi. Massacrez leur avant-garde, épouvantez-les, mais ne vous laissez pas
engager dans une bataille rangée. Harcelez-les, effrayez-les, mais lorsqu’ils
seront à une journée de marche de Corinium, laissez-les tranquilles et venez me
rejoindre. » Arthur aurait besoin de toutes les lances qu’il pourrait
rassembler pour mener cette grande bataille devant Corinium, et il semblait
certain de pouvoir la gagner, à condition que nos forces occupent une position
élevée.
Ce plan n’était
pas mauvais. Les Saxons seraient attirés au cour de la Dumnonie et forcés de
mener l’assaut sur les flancs escarpés d’une colline, mais cela ne marcherait
que si l’ennemi faisait exactement ce qu’Arthur voulait, or Cerdic n’avait rien
d’un homme complaisant. Cependant, notre chef semblait assez confiant et cela,
du moins, nous réconfortait.
Nous rentrâmes
chez nous. Je me rendis impopulaire en fouillant toutes les maisons de mon
district et en réquisitionnant les céréales, la viande salée et le poisson
séché. Nous laissâmes juste assez de provisions pour que les gens survivent et
nous envoyâmes le reste à Corinium pour nourrir l’armée d’Arthur. C’était une
tâche détestable car les paysans craignent encore plus la faim que les lanciers
ennemis et nous devions trouver leurs cachettes et ignorer les cris des femmes
qui nous traitaient de tyrans. Mais mieux valaient nos perquisitions, leur
dis-je, que les ravages des Saxons.
Nous nous
préparâmes aussi à la bataille. Je sortis mon équipement et mes esclaves
huilèrent mon justaucorps de cuir, polirent ma cotte de mailles, démêlèrent le
plumet en poils de loup de mon heaume et repeignirent
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