Excalibur
les flammes dans le palais pour
illuminer la salle du festin. « Venez », nous cria-t-il et, avec
reconnaissance, nous gagnâmes les portes. Argante hésita, mais Fergal lui
chuchota encore quelque chose et elle obéit à son mari. Le druide demeura à
côté du cerceau fumant.
Ceinwyn et moi
fûmes les derniers à partir. Une impulsion soudaine m’avait retenu, je pris
Ceinwyn par le bras et la tirai dans l’obscurité de la galerie d’où nous vîmes
que quelqu’un d’autre était resté dans la cour. Quand il n’y eut plus, apparemment,
que les brebis bêlantes et le druide trempé de sang, la silhouette indistincte
sortit de l’ombre. C’était Mordred. Il passa en boitant devant l’estrade et s’arrêta
à côté du cerceau. Durant un battement de cœur, le druide et lui se regardèrent
fixement, puis Mordred fit un geste gauche, comme s’il sollicitait la permission
de franchir les restes rougeoyants du cercle de feu. Fergal hésita, puis
acquiesça. Mordred baissa la tête et passa dans le cerceau. Puis il se pencha
et trempa son doigt dans le sang, mais je n’attendis pas de voir ce qu’il
ferait. J’entraînai Ceinwyn dans le palais où les flammes fuligineuses
illuminaient les grandes fresques de chasse et de dieux romains. « S’ils
servent de l’agneau, dit mon épouse, je refuse d’en manger. »
Arthur nous
offrit du saumon, du sanglier et du chevreuil. Une harpiste jouait. Mordred,
dont personne ne remarqua l’entrée tardive, prit place au haut bout de la table
où il s’assit, un sourire sournois sur son visage brutal. Il ne parlait à
personne, et personne ne lui parlait, mais parfois il jetait un coup d’œil à la
pâle et mince Argante qui semblait être la seule à ne pas prendre plaisir au
festin. Je la vis croiser le regard de Mordred une fois, et ils haussèrent tous
deux les épaules d’un air excédé, comme pour suggérer qu’ils nous méprisaient
tous, mais en dehors de cet unique échange, elle ne fit que bouder ;
Arthur en était gêné et nous fîmes tous semblant de ne pas remarquer l’humeur
de son épouse. Mordred, lui, s’en réjouissait, bien sûr.
Le lendemain
matin, nous participâmes à une chasse. Une douzaine d’entre nous, rien que des
hommes. Ceinwyn aimait chasser, mais Arthur lui avait demandé de passer la
matinée avec Argante, et elle avait accepté à contrecœur.
Nous nous
dirigeâmes vers la forêt, mais sans beaucoup d’espoir car Mordred y chassait
fréquemment et le piqueur doutait que nous y trouvions du gibier. Les lévriers
de Guenièvre, confiés maintenant à Arthur, s’élancèrent en bondissant entre les
troncs noirs et réussirent à débusquer une biche qui nous procura un beau galop
dans les bois, mais le veneur rappela les chiens quand il vit que la bête était
pleine. Arthur et moi, nous nous étions écartés de la chasse, pensant rabattre
la proie à l’orée du bois, mais nous tirâmes sur les rênes lorsque nous entendîmes
les cors. Arthur regarda autour de lui, comme s’il s’attendait à trouver plus
de compagnie, puis il grogna en constatant que j’étais seul. « Étrange
cérémonie, hier soir, dit-il, l’air gêné. Mais les femmes aiment ce genre de
choses, ajouta-t-il dédaigneusement.
— Pas
Ceinwyn », répliquai-je.
Il me lança un
regard perçant. Il devait se demander si ma femme m’avait parlé de sa demande
en mariage, mais mon visage ne trahissait rien et il décida sans doute qu’elle
avait gardé le secret. « Non, pas Ceinwyn. » Il hésita de nouveau,
puis rit avec gêne. « Argante croit que j’aurais dû franchir le cerceau
pour marquer notre mariage, je lui ai dit que je n’avais pas besoin que des
agneaux morts me disent que j’étais marié.
— Je n’ai
jamais eu l’occasion de te présenter mes félicitations, dis-je sur un ton très
formel, alors permets-moi de le faire aujourd’hui. Ta femme est bien belle. »
Mes paroles
lui firent plaisir. « C’est vrai. » Puis il rougit. « Mais ce n’est
qu’une enfant.
— Culhwch
dit qu’il faudrait toujours les prendre jeunes, Seigneur. »
Il fît comme s’il
n’avait pas entendu ma remarque badine. « Je n’avais pas l’intention de me
remarier. » Je ne répondis rien. Il ne me regardait pas et contemplait les
champs en jachère. « Mais il faut qu’un homme ait une épouse, affirma-t-il,
comme s’il essayait de se convaincre lui-même.
— En
effet.
— Et l’idée
enthousiasmait
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