Excalibur
Œngus. Quand viendra le printemps, Derfel, il nous amènera toute
son armée. Et ce sont de bons soldats, les Blackshields.
— Il n’y
en a pas de meilleurs, Seigneur. » J’étais certain qu’Œngus aurait
combattu avec nous, qu’Arthur épouse Argante ou non. Ce que ce roi voulait,
bien sûr, c’était l’alliance d’Arthur contre Cuneglas, roi du Powys, sur les
terres duquel il envoyait sans cesse ses lanciers marauder, mais sans doute l’astucieux
roi d’Irlande avait-il suggéré à Arthur que le mariage garantirait la
participation de ses Blackshields à la future campagne. Le mariage avait dû
être conclu à la hâte et, maintenant, Arthur le regrettait.
« Elle
veut des enfants, bien sûr, dit Arthur, pensant toujours aux horribles rites
qui avaient ensanglanté la cour de Lindinis.
— Pas
toi, Seigneur ?
— Pas
encore, répondit-il sèchement. Je pense qu’il vaut mieux attendre d’avoir réglé
notre conflit avec les Saxons.
— En
parlant de cela, dis-je, j’ai une requête à te présenter de la part de Dame
Guenièvre. » Arthur me lança un autre regard perçant, mais ne dit rien. « Elle
craint d’être sans défense si les Saxons nous attaquent par le sud, et te
supplie de l’emprisonner dans un endroit moins exposé. »
Arthur se
pencha pour caresser les oreilles de son cheval. En délivrant mon message, je m’attendais
à sa colère, mais il ne montra aucune irritation. « Les Saxons pourraient
nous attaquer dans le sud, dit-il avec douceur. En fait, j’espère qu’ils le
feront, car alors ils diviseront leurs forces et nous pourrons les cueillir l’un
après l’autre. Mais le plus grand danger, Derfel, c’est qu’ils ne portent qu’un
seul assaut, le long de la Tamise, et je dois me préparer au péril le plus
grand, pas au moindre.
— Mais ce
serait sûrement prudent de retirer du sud de la Dumnonie tout ce qui a du prix ? »
insistai-je.
Il se retourna
pour me regarder. Il avait une expression moqueuse, comme s’il me méprisait
parce que je montrais de la sympathie pour Guenièvre. « En a-t-elle,
Derfel ? » demanda-t-il. Je ne répondis rien et Arthur se détourna
pour regarder les champs décolorés où des grives et des merles fouillaient les
sillons à la recherche de vers. « Devrais-je la tuer ? me
demanda-t-il soudain.
— Tuer
Guenièvre ? » répondis-je, choqué par cette suggestion, puis j’imaginai
qu’Argante avait probablement inspiré ses paroles. Elle devait s’indigner que
Guenièvre vive encore après avoir commis une offense pour laquelle sa sœur
était morte. « La décision ne m’appartient pas, Seigneur, mais si elle méritait
la mort, il aurait fallu la lui infliger il y a plusieurs mois. Plus
maintenant. »
Ce conseil lui
tira une grimace. « Qu’en feront les Saxons ?
— Elle
pense qu’ils vont la violer. Je les soupçonne de vouloir la mettre sur un
trône. »
Il lança des
regards noirs sur le paysage délavé. Il savait que je faisais allusion à
Lancelot, aussi était-il en train d’imaginer sa gêne de voir son ennemi mortel
sur le trône de Dumnonie en compagnie de Guenièvre, et Cerdic les tenant en son
pouvoir. C’était une idée insupportable. « Si elle est en danger d’être capturée,
dit-il durement, alors tu la tueras. »
J’en croyais à
peine mes oreilles. Je le contemplai fixement, mais il esquiva mon regard. « Ce
serait plus simple de la mettre en sûreté. Ne pourrait-elle aller à Glevum ?
— J’ai
assez de soucis comme cela sans perdre mon temps à réfléchir à la sécurité des
traîtres », répliqua-t-il d’un ton coupant. Durant quelques battements de cœur,
Arthur parut plus en colère que je ne l’avais jamais vu, puis il secoua la tête
et soupira. « Sais-tu qui j’envie ?
— Dis-le
moi, Seigneur.
— Tewdric. »
Je ris. « Tewdric !
Tu voudrais devenir un moine constipé ?
— Il est
heureux, il mène la vie qu’il avait toujours souhaitée. Je ne désire pas la
tonsure et son Dieu ne m’intéresse pas, mais je l’envie tout de même. » Il
fit la grimace. « Je m’épuise à préparer une guerre que personne, sauf
moi, ne nous croit en mesure de gagner, et je ne veux rien de tout cela. Rien
du tout ! Mordred devrait régner, nous avons juré de le faire roi, et si
nous battons les Saxons, Derfel, je lui laisserai le pouvoir. » Il dit
cela d’un air de défi, et je ne le crus pas. « Tout ce que j’ai jamais
souhaité,
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