Excalibur
Ceinwyn.
— Presque
toutes les villes le sont », répondit Guenièvre à ma place.
C’était aussi
une belle cité. Ou plutôt, elle l’avait été, car avec le temps, les tuiles des
toits étaient tombées et avaient été remplacées par du chaume, certaines
maisons s’étaient effondrées et n’étaient plus que tas de briques et de
pierres, cependant les rues étaient pavées et les hauts piliers ainsi que le
fronton somptueusement sculpté du magnifique temple de Minerve s’élevaient
toujours au-dessus des misérables toitures. Mon avant-garde se fraya avec
brutalité un chemin dans les rues encombrées jusqu’au temple qui se dressait au
cœur sacré de la cité. Les Romains avaient édifié un mur intérieur qui
entourait à la fois ce sanctuaire et les thermes qui avaient apporté à la ville
sa renommée et sa prospérité. Une source d’eau magique chauffait la piscine
couverte, mais des tuiles étaient tombées et de minces volutes de vapeur
montaient des trous. Le temple lui-même, dépouillé de ses gouttières en plomb,
était maculé de taches de pluie et de plaques de lichen, le plâtre peint sous
le haut portique s’était écaillé et avait noirci ; mais, en dépit de ce
délabrement, on pouvait encore, quand on se tenait dans le large enclos pavé du
sanctuaire de la cité, imaginer un monde où les hommes savaient construire de
tels lieux et pouvaient y vivre sans craindre les lances venues de l’est
barbare.
Le magistrat
de la cité, un homme d’âge mûr, agité, tendu, nommé Cildydd, et qui portait une
toge romaine pour marquer son autorité, se précipita hors du temple pour m’accueillir.
Je l’avais connu pendant la rébellion lorsque, bien que chrétien, il avait fui
les fanatiques fous à lier qui s’étaient emparés des sanctuaires d’Aquae Sulis.
Il avait plus tard retrouvé son poste, mais je devinai que son autorité était
minime. Il portait un morceau d’ardoise sur lequel il avait fait des douzaines
de marques représentant visiblement le nombre d’enrôlés rassemblés à l’intérieur
de l’enclos. « Les réparations sont en cours ! » Cildydd m’accueillit
sans autre forme de politesse. « J’ai des hommes qui coupent des arbres
pour les murs. Ou plutôt j’avais. L’inondation pose problème, c’est vrai, mais
si la pluie cesse... » Il laissa la phrase en suspens.
« L’inondation ?
demandai-je.
— Quand
la rivière monte, Seigneur, l’eau reflue dans les égouts romains. Elle a déjà
envahi les parties basses de la cité. Et pas seulement l’eau, je le crains. Cette
odeur. Vous sentez ? » Il renifla d’un air dégoûté.
« Le
problème, dis-je, c’est que les arches du pont sont obstruées par des détritus.
Que vous auriez dû faire ôter. C’était aussi votre tâche de garder les murs en
bon état. » Sa bouche s’ouvrit et se referma sans qu’il en sorte un seul
mot. Il tendit l’ardoise comme pour démontrer son efficacité, puis se contenta
de cligner des yeux en signe d’impuissance. « Cela n’a plus d’importance
maintenant, puisqu’on ne peut plus défendre la cité, poursuivis-je.
— Pas la
défendre ! Pas la défendre ! Il faut la défendre ! On ne peut
pas abandonner la cité !
— Si les
Saxons arrivent, dis-je brutalement, vous n’aurez pas le choix.
— Mais il
faut la défendre, Seigneur, insista-t-il.
— Avec
quoi ?
— Vos
hommes, Seigneur, dit-il en montrant du geste mes lanciers qui s’étaient
abrités de la pluie sous le haut portique du temple.
— Au
mieux, on pourrait garnir de troupes deux cents toises de murailles, ou plutôt
ce qu’il en reste. Qui défendrait le reste ?
— Les
troupes que j’ai levées. » Cildydd agita son ardoise en direction d’une
bande d’hommes à l’air maussade qui attendaient près des thermes. Peu d’entre
eux étaient armés et encore moins portaient une armure.
« Avez-vous
jamais vu les Saxons attaquer ? rétorquai-je. Ils envoient d’abord d’énormes
chiens dressés à la guerre, et ils arrivent ensuite avec des haches de trois
pieds de long et des lances dont la hampe mesure huit pieds. La bière qu’ils
ont bue les a rendus fous, et leur seul désir est de s’emparer des femmes et de
l’or. À votre avis, combien de temps vos enrôlés tiendront-ils ? »
Cildydd me
regarda en clignant des yeux. « On ne peut pas céder comme ça, dit-il
faiblement.
— Est-ce
que vos enrôlés ont de vraies
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