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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Certainement bien plus que pendant la journée, où tout est si difficile, si plein de cris de haine, de mensonges et de rêves impossibles à exaucer.
    Il s’ensuivit un silence embarrassé. Fatima ne trouvait aucun mot à prononcer. S’il en était un, parmi tous les hommes de la maisonnée, dont elle appréciait les paroles et les manières douces, c’était lui. S’il en était un, en dehors d’Ashemou et d’Abdonaï, à qui elle faisait confiance et dont elle aimait les pensées, c’était lui aussi. Pourtant, en cet instant, c’était comme si elle devait cacher une part d’elle-même.
    Zayd le sentit. Il dit tout bas, sur un ton qu’il voulait désinvolte :
    — Je t’ai vue marcher, on dirait que ta cheville va mieux.
    Fatima approuva d’un signe. La voix de Zayd trembla quand il ajouta :
    — Tu penses à lui, au Bédouin… Il a été plus courageux que nous tous.
    Il hésita, chuchota :
    — Si tu veux avoir de ses nouvelles et peut-être le revoir, ne tarde pas à ramener la mule à la vieille Haffâ. Ce soir, Abu Bakr, Tamîn et Abdonaï ont convaincu notre père qu’on ne pouvait rester dans Mekka. C’est trop dangereux. Abu Lahab n’a qu’un désir : créer l’occasion de nous écraser tous. Il vaut mieux s’écarter et attendre que les cris des Makhzum et des Abd Manâf retombent. Tamîn a dit à notre père : « Pourquoi ne vas-tu pas à Ta’if ? Tu pourrais y porter la parole d’Allah, qu’il nous éclaire de Sa Miséricorde, et ainsi augmenter le nombre de ceux qui nous suivent, avant de revenir plus fort ici, dans Mekka. » Notre père a réfléchi un long moment avant d’acquiescer. Abdonaï a proposé que nous partions dans trois ou quatre nuits, le temps de préparer le voyage. « Il ne faut pas se précipiter et laisser croire aux mauvais que nous fuyons », a-t-il dit.

La rencontre
    Ashemou déposa une tunique neuve sur la couche de Fatima. C’était l’une des siennes. Désormais, le corps de la jeune fille s’affirmait assez pour qu’elle lui convienne. Depuis toujours, de certaines choses Ashemou devinait tout.
    — Enfile cette robe. Il sera heureux de te voir belle.
    Fatima fut tentée. Elle s’imagina se montrant à Abd’Mrah dans cette tunique somptueuse.
    — Elle doit te revenir, assura Ashemou. Ta mère me l’a donnée, il y a longtemps, et je ne l’ai portée qu’une fois. Elle est faite pour toi, aujourd’hui.
    Fatima songea alors à la tunique précieuse qu’elle portait quatre jours plus tôt, devant le grand marché. Abd’Mrah l’avait vue une fois dans une tenue bien trop riche. Cela suffisait.
    À la manière sévère de son père, elle répondit à Ashemou :
    — Les Bédouins ne possèdent pas trois tuniques pour une année de vie. Voudrais-tu qu’il se sente insulté en me voyant ?
    Ashemou sourit, moqueuse :
    — Aucun homme, même un Bédouin, ne se sent insulté parce qu’une femme lui fait présent de sa beauté.
    Fatima rougit. Était-elle si transparente qu’Ashemou pouvait lire en elle, alors qu’elle-même ne saisissait pas ce qui lui arrivait ?
    D’abord, elle avait admiré le courage du Bédouin. Puis elle avait approuvé son honnêteté : il lui avait promis de l’aider à lutter contre les mauvais et, à la première occasion, il avait prouvé qu’il ne parlait pas pour ne rien dire. Puis était revenue et revenue la pensée de ce regard qu’avait eu Abd’Mrah après son combat. La pensée qu’il avait souillé ses mains pour sauver la vie de son père le Messager, et qu’elle, elle lui devait quelque chose en retour.
    Quelque chose qu’elle n’osait admettre. Quelque chose qui l’entraînait dans des errements aussi sots que ceux de ses soeurs.
    Mais dont elle ne parvenait pas à se débarrasser. Et qu’Ashemou elle-même semblait avoir percé.
    Furieuse contre Ashemou, irritée contre elle-même, elle enfila la plus ordinaire de ses tuniques.
    Maintenant, elle approchait des puits d’al Bayâdiyya et des tentes des Bédouins. Et il lui fallait bien le reconnaître : son coeur tapait fort au seul espoir de revoir Abd’Mrah, ce garçon presque inconnu !
    Elle contraignit la mule à aller à petits pas. Pour la dixième fois, elle se répéta que tout cela était infiniment stupide, puisque, précisément, il était impossible qu’Abd’Mrah soit de retour auprès des siens.
    Deux nuits seulement étaient passées. Il devait être encore loin de Mekka. À l’abri de la vengeance de

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