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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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poussera-t-il à se venger sur nous ? Il faudra se battre pour de bon, et…
    — Je sais, l’interrompit fermement Ali.
    Il entrouvrit les pans du manteau. À sa ceinture luisait le manche d’ivoire du large poignard hérité de son père.
    — Si cela arrivait et si nous devions nous retrouver auprès d’Allah, moi, Ali ibn Talib, je serais fier de m’être battu à ton côté, ma soeur.
    Malgré le peu de lumière, Fatima surprit l’émotion qui passait sur ses traits. Elle tressaillit. C’était la seconde fois qu’un homme la regardait ainsi, la seconde fois qu’un homme lui dédiait son combat et son affrontement de la mort. Peut-être Ali devina-t-il sa pensée. Il s’empressa d’ajouter d’un ton empreint de tristesse :
    — S’il était encore en vie, le Bédouin Abd’Mrah serait à ma place. Je n’en doute pas.
    Fatima n’eut pas à répondre : Al Arqam les rejoignit dans la cour avec les quatre serviteurs qu’il lui restait. Nerveusement, il dit tout bas :
    — Il est temps.
     
    Il sembla à Fatima que la grosse porte grinçait plus que d’habitude. Ses mains étaient si crispées sur son bâton et sur le manche de son poignard de ceinture que ses bras lui paraissaient de pierre. Elle se souvint à temps des conseils d’Abdonaï. Elle respira de toute sa poitrine avant de se jeter dans la ruelle. Comme prévu, Ali se porta à sa hauteur dès les premiers pas.
    Et l’enfer leur tomba dessus.
    Ils jaillirent de tous les porches, de toutes les encoignures, de tous les renfoncements, braillant, s’égosillant ! Devant, derrière, à gauche, à droite… Les lames levées, l’acier plus pâle encore que le ciel. Des visages, des chèches, des bras… Le temps d’un éclair ils virent tout et rien. Fatima hurla. Ali aussi. Leurs bras se déchaînèrent, lames et bâtons, tournoyant, frappant, fendant le vide, un tissu, rebondissant contre une autre lame, traversant des ombres… Les mauvais étaient innombrables ! Vingt, trente, plus…
    Fatima ressentit jusque dans son coude le choc de son bâton contre une tête. Elle entendit le cri de douleur en même temps qu’elle vit Ali rouler au sol, empêtré dans ce manteau trop grand pour lui. Elle vit les lames se dresser, elle lança encore son bâton, se déchirant la gorge dans un cri, massacrant un ou deux poignets. Un coup terrible au bas des reins la fit basculer en avant. « Un plat de lame », songea-t-elle. Sa tête bourdonnante percevait les vociférations des assassins. « Ils ne m’ont pas encore tuée !»
    Al Arqam hurla alors qu’elle tombait sur Ali. Leurs assaillants allaient les engloutir comme l’abîme d’un puits quand, soudain, au-dessus d’eux, un cri jaillit :
    — Ce n’est pas ibn ‘Abdallâh !
    D’autres voix s’en mêlèrent :
    — Cessez ! Cessez ! On a été joués !
    — Retenez vos lames, retenez vos lames !
    — C’est Ali ! Le neveu d’Abu Lahab !
    — Par Al’lat ! Le fils d’Abu Talib !
    Sans ménagement, ils mirent Ali debout. Il avait le visage en sang, une blessure au front, mais il riait. Yâkût hurla :
    — Où est ibn ‘Abdallâh ?
    Il agrippa le bras de Fatima, la secoua comme une branche de tamaris, beuglant encore :
    — Où est ton père ?
    Sa voix résonna dans toute la ruelle. Les voisins d’Al Arqam étaient maintenant sur le seuil de leur cour, suspicieux. L’un des assassins posa la main sur le poignet de Yâkût et dit :
    — Calme-toi, ils nous ont trompés !
    Les autres se dévisagèrent, grognèrent, baissèrent leur lame. Ali rit encore, nerveux, soulagé. Yâkût le frappa de son poing, le faisant chanceler. Le bâton de Fatima vola sans même qu’elle y eût songé. De toutes ses forces, de toute sa haine, elle l’abattit sur le bras de Yâkût. Il y eut un bruit étrange que le cri de douleur du mercenaire couvrit. Il voulut se précipiter sur Fatima. On le retint, tandis que des lames étaient pointées sur la poitrine de la fille du Messager.
    Al Arqam lança :
    — L’Envoyé d’Allah est malade. Il dort sur une couche dans ma cour.
    — Tu mens ! cria Yâkût en se tenant le bras, le visage aussi livide que l’était maintenant le ciel.
    — Ça suffit ! Vous voyez bien qu’ils ont été prévenus de notre piège. On a manqué…
    Il y eut un instant de confusion, les uns et les autres ne sachant que faire. Fatima s’approcha d’Ali. Lui prit le bras et sentit qu’il tremblait. Elle le serra contre elle, le

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