Fatima
soutint un peu. L’un des assaillants conclut :
— Il n’y a plus rien à faire ici. On n’est pas venus à trente pour le fils d’Abu Talib ni pour trancher la gorge d’une fille.
Yâkût tenta encore de les retenir :
— Al Arqam ment, j’en suis sûr !
— Alors, c’est qu’ibn ‘Abdallâh n’est plus dans sa maison, répliqua un autre.
— Il a fui Mekka, dit un troisième. Il a su et il a fui.
Ils se débandèrent, maugréant, quittant la ruelle sans se retourner.
— Ma soeur, on a gagné ! s’esclaffa Ali. Allah soit loué jusqu’à la fin des temps ! À nous deux on les a vaincus, ces négateurs !
Les deux vieilles servantes d’Al Arqam soignèrent les blessures d’Ali. Elles n’étaient pas profondes, mais il avait perdu beaucoup de sang et était à demi inconscient. Les vieilles lui firent boire des breuvages épais qui l’endormirent. À Fatima, elles promirent qu’il se réveillerait en possession de tous ses esprits.
— Il est jeune et solide. Il aura mal à la tête pendant trois jours et ne sentira plus rien ensuite. S’il doit prendre la route bientôt, il devra manger beaucoup de viande pour recouvrer des forces.
En attendant qu’Al Arqam revienne du grand marché avec des nouvelles, Fatima veilla Ali. Craignant que la fièvre ne le prenne, elle lui saisissait la main sans cesse. Les vieilles la regardaient faire avec des sourires entendus.
— Ne crains rien, fille. Une demi-lune, et il sera comme avant. Et les coups sur la tête ne changent pas le coeur, sois-en sûre.
Agacée, Fatima abandonna le chevet d’Ali. Le soleil était déjà haut. Al Arqam revint plus vite que prévu en compagnie d’un inconnu. Un homme d’une vingtaine d’années que recouvrait un vieux manteau d’Al Arqam. Quand il l’ouvrit pour la saluer, Fatima aperçut dessous la tunique d’un Bédouin.
Avant qu’elle ne l’interroge, Al Arqam dit :
— L’attaque de ce matin est sur toutes les bouches. Au marché, les rieurs se moquent de Yâkût et de son piège éventé. Que Muhammad ait pu leur échapper, cela leur plaît. Mais cela ne durera pas. Abu Lahab et les siens ne vont pas tarder à faire taire les moqueurs. Par chance, j’ai rencontré…
Al Arqam désigna le Bédouin, cherchant son nom. L’autre le prononça à sa place, son regard noir fixé sur celui de Fatima :
— Ibn Uraïqat. Je suis le cousin d’Abd’Mrah. Pour moi, il était plus qu’un frère.
Il découvrit son bras. Une longue balafre remontait jusqu’au coude.
— Un serpent m’a mordu dans la montagne. Abd’Mrah a ouvert mon bras et a sucé le sang pourri. Aujourd’hui, je suis vivant, et lui, il ne l’est plus. Je ne suis pas de vos croyants. Al’lat est encore en moi. Mais ceux qui ont massacré Abd’Mrah sont les mêmes que ceux qui veulent massacrer ton père. Je vais vous aider. Je sais où vous allez. J’étais l’un des guetteurs, quand vous avez rencontré les Juifs de Yatrib. Je connais les routes cachées. Je vous guiderai, toi et ton père.
Fatima se mordit les lèvres pour ne pas laisser les larmes lui monter aux yeux. Ainsi, Abd’Mrah les aidait par-delà la mort ! Elle n’en était pas étonnée.
— Vous ne devez pas attendre, approuva Al Arqam. Il faut profiter de la confusion de Yâkût…
Il s’assombrit.
— On raconte que tu lui as cassé le bras avec ton bâton, dit-il à Fatima. La rage de la vengeance doit désormais le calciner autant que les flammes de l’enfer.
— Prépare ton baluchon, intervint froidement ibn Uraïqat. J’ai des chamelles prêtes à l’enclos d’Ajyad…
— Mais il faut aussi des provisions, remarqua Fatima. Et de l’eau…
Le Bédouin opina.
— Mes chamelles ont des bâts bien remplis. J’ai tout prévu.
Les possessions de Fatima tenaient dans une sacoche de cuir. Elle emporta aussi l’arc que lui avait donné Abdonaï et un double carquois de flèches. Ibn Uraïqat eut un mouvement de surprise en les découvrant à l’épaule de la jeune fille, mais il ne fit pas de commentaires. La discussion eut lieu lorsqu’elle refusa de se séparer du méhari blanc offert à son père par Abd’Mrah et du vieux cheval de chasse d’Abdonaï. Ibn Uraïqat lui fit face.
— Ils ne tiendront pas sur les routes que nous allons prendre, dit-il. Ils nous ralentiront ou mourront. Avec cette chaleur, ton cheval tombera de soif avant deux jours.
Al Arqam trouva la solution :
— Ils peuvent rester avec mes
Weitere Kostenlose Bücher