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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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tenue de Fatima n’avait été que passagère et que Muhammad ne l’avait permise qu’à cette condition.
    — La route a été longue et difficile. Nous devions nous cacher des païens de Mekka qui cherchaient à nous rattraper pour tuer le Messager. C’est pourquoi il a accordé à sa fille de se vêtir en homme, afin que, de loin, nos poursuivants ne puissent pas nous identifier. Votre jugement est bon : l’épreuve est finie. Pour entrer dans Yatrib, Fatima retrouvera une apparence de femme. Le chemin de l’Envoyé ne peut être que celui de la pureté de tous, et d’abord de sa famille.
    Ces derniers mots, Abu Bakr les prononça en fixant durement Fatima. Son air réprobateur exprimait le fond de sa pensée : « C’en est fini, Fatima. Le moment est venu pour toi de te comporter comme les autres filles. Ton père n’a plus besoin d’un faux fils qui manie le bâton près de lui. Tes caprices n’auront plus de place dans notre sainte cité. J’y veillerai. »
    Pour la première fois depuis des années, Fatima ne riposta pas. Elle baissa les paupières. Elle le savait : Abu Bakr énonçait une vérité contre laquelle elle ne pourrait ni ne voudrait lutter.
    Une étrange émotion la saisit. Ce fut comme si son corps lui devenait soudain indifférent. Son coeur, ses émotions, la vérité de son être se recroquevillèrent loin au fond d’elle-même, durcis d’un coup comme une pierre.
    Et c’est à l’intérieur de cette pierre plus dure que tous les cailloux du Nefoud, et désormais pour toujours pesante au-dedans d’elle, qu’il lui faudrait, malgré toute sa désolation, toute sa douleur, vivre et respirer l’amour de son père.
     
    Ravies par les paroles d’Abu Bakr, les femmes traitèrent Fatima en princesse. Elles la lavèrent, la parèrent de belles tuniques aux couleurs chatoyantes, babillant autour d’elle comme si le lendemain était le jour de ses épousailles. Fatima se laissa faire. Accompagnée par les rires et les plaisanteries de ses nouvelles compagnes, elle enveloppa le bâton d’Abdonaï, son arc, son carquois et sa dague dans le mince tapis qu’on lui offrit à cet effet.
    Cette nuit-là, sur sa couche, parmi toutes les jeunes filles d’une maisonnée Aws qui les accueillait, elle scella ses lèvres d’une main pour que nul ne puisse entendre la plainte qui lui déchirait la poitrine.

Enfin Yatrib !
    Muhammad partagea deux journées avec les gens de Qobâ, priant, se reposant, récitant la parole d’Allah en compagnie de Moç’ab devant des dizaines de fidèles, recouvrant des forces. La longue route depuis Mekka avait été éprouvante. Puis il s’apprêta à prendre le chemin de Yatrib.
    Prévenus, Tamîn et Omar l’attendaient à l’entrée de l’oasis, entourés de nouveaux croyants. Ne voyant pas approcher le Messager, les plus fougueux décidèrent d’aller à sa rencontre. Ils grossirent la troupe autour de la chamelle blanche que Muhammad menait au pas.
    Sans cesse leur caravane ralentissait, s’immobilisait. Fatima retenait sa monture en arrière de la petite foule qui bourdonnait autour de son père. Bientôt, les fidèles seraient si nombreux, il y aurait tant de distance entre eux, qu’elle ne devinerait plus qu’à peine son grand manteau brun et son chèche clair.
    De sa chamelle l’Envoyé saluait ceux qui approchaient. Sans cesse il répétait les mêmes paroles, et en retour recevait le même accueil fervent. Abu Bakr maintenait à distance les plus exaltés, ou les plus curieux et les moins respectueux.
    Une fois seulement, alors que les murs de Qobâ étaient déjà loin derrière eux, Fatima s’imagina poussant sa chamelle dans cette foule désordonnée pour se placer au côté de son père.
    Mais ce n’était que le rêve d’un temps révolu… Il eût fallu qu’elle portât ses vieux vêtements et tînt le bâton ferré dans son poing…
    Elle n’était plus cette fille-là. Elle devait le comprendre… l’admettre.
    Les yeux mi-clos, elle se laissa porter par le ballant indifférent de sa monture, effaçant rêves, pensées et tristesse et se préparant à accepter l’apparence que l’on exigeait d’elle.
    Peu à peu les sentes de pierre devinrent des sentes de sable où le pas des montures s’assouplissait. Ils s’écartèrent de l’oued dont il longeait le cours depuis Qobâ, s’engagèrent dans une vallée où pullulaient les palmiers et les plantations de fruitiers.
    Fatima n’avait jamais voyagé. Elle

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