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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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n’avait encore jamais vu de terre aussi opulente, aussi verte. Bientôt, ils abandonnèrent l’étroitesse de la vallée. Devant eux s’étala une savante marqueterie de jardins délimités par des barrières de palmes ou des haies d’oponce. Comme dans une description du paradis, oliviers, figuiers, orangers et quantité de légumes poussaient aux revers des sillons précieusement entretenus. L’air était chargé de frais parfums : on y respirait la menthe, la bourrache, l’aneth ou les feuilles de romarin.
    En retrait, à une double portée de flèche, se dressaient les lisières de palmiers aux troncs minces et pâles. Ici et là, assombrissant la glaise craquelée et poussiéreuse, l’eau courait au creux de minces rigoles qu’entravaient des digues et des claies qui la guidaient jusque dans des bassins à l’ombre des palmiers.
    Partout des hommes, des femmes et des enfants creusaient, ratissaient, récoltaient ou taillaient… À l’approche de la troupe qui entourait Muhammad, ils se redressèrent, sourcilleux et vifs, la main refermée sur leurs outils. Mais ici, on n’était pas à Ta’if ou à Mekka. Leurs regards étaient seulement curieux, sans agressivité. Ici, Abu Lahab et Abu Sofyan n’imposaient pas leur loi.
    Les femmes de Qobâ avaient fait sangler un palanquin sur la monture de Fatima. Elles avaient vêtu et fardé la jeune fille.
    Ses yeux aux longues paupières brillaient de khôl, sa tunique verte à liseré rouge et ocre dessinait sa poitrine. Une bande de lin blanc nouée sur sa nuque retenait les mèches folles de sa chevelure luisante de henné et d’huile d’argan. Un peu de pommade rouge masquait l’amertume de ses lèvres. Elle avait tout juste pu refuser la présence d’un serviteur pour tenir la longe de sa chamelle.
    À son passage, les yeux des femmes se posaient avec insistance sur Fatima. Éblouis et intéressés. Quelques-unes esquissèrent un signe de bienvenue.
     
    Et c’est ainsi qu’elle entra dans Yatrib, regard fixe et coeur de pierre, mais dans la splendeur de ses seize ans.
    Ils rejoignirent Tamîn, Zayd et Omar ibn al Khattâb. Les embrassades, les chants, les rires et les prières recommencèrent. La joie et l’agitation des Aws et des Khazraj étaient à leur comble. Fatima scruta les visages. Elle en reconnut beaucoup.
    Mais elle ne discerna aucune femme.
    En revanche, elle ne put manquer le regard de Zayd fixé sur elle, souriant, ravi et affectueux.
    Zayd était manifestement heureux de la voir, surtout sous cette apparence. Ce fut plus fort qu’elle : la honte et la colère lui brûlèrent la poitrine. Sans répondre au salut de son frère, elle se détourna dans son palanquin de fille. Le bruit commençait à énerver sa chamelle. Fatima tira sur la longe, fit faire à sa monture quelques pas de côté et l’immobilisa dans l’ombre clairsemée d’un néflier. De loin, elle observa la scène.
    Omar n’était pas homme à dévoiler ses émotions, si ce n’est par des cris et des gesticulations. Les embrassades, répétait-il à qui voulait l’entendre, ne sont dignes des hommes que lorsqu’ils s’inclinent sur la couche des femmes. Mais, ce jour-là, en assistant aux retrouvailles de Tamîn et de Muhammad, Omar avait les yeux émus d’une jeune fille.
    L’Envoyé enfin se tourna vers lui. Connaissant sa pudeur, il se contenta de lever la main. Omar s’inclina profondément, avant de montrer un visage brillant de vénération. Avec une exclamation d’amitié, Muhammad allait l’attirer à lui quand, d’un mouvement vif, Omar lui effleura les paumes du bout des doigts, comme s’il y recueillait un baume. Avec violence il se frappa le front, les lèvres et la poitrine de cette essence invisible. À la surprise de tous, et même de Muhammad, il répéta deux fois son geste.
    Ce geste, chacun, du pays de Sham à Saba, le connaissait. Très ancien et très respectueux salut du désert, il disait l’allégeance d’un sujet à son prince. Qu’Omar reçoive ainsi le Messager en ces nouvelles terres d’Allah en impressionna plus d’un. Les effusions cessèrent. Un drôle de silence survola ces retrouvailles, comme si un événement mystérieux venait d’avoir lieu.
    Un silence que Muhammad rompit :
    — As-tu trouvé un lieu pour nous ? demanda-t-il à Tamîn.
    Tamîn secoua la tête et désigna les notables Aws et Khazraj qui l’accompagnaient. L’un d’eux annonça :
    — Bien des terres de l’oasis ne sont pas encore

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