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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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goûts identiques à ce dilettante ! » murmura-t-il entre ses dents avant de regagner son bureau.
    Revenir à la maison un peu tard n'avait rien d'inhabituel, même un samedi soir. Pourtant, Thomas Picard essayait de ne pas faire de bruit, de passer inaperçu. Ce fut peine perdue : Edouard se tenait assis sur une marche au milieu de l'escalier, une grande feuille de papier dans les mains.
    —    Tu rentres tard. Je t'attends depuis des heures!
    Ces paroles, Alice ne les prononçait plus depuis longtemps. Voilà que son fils prenait le relais. L'idée de vouvoyer son père progressait plutôt lentement dans l'esprit du gamin. Aux remarques réitérées de la préceptrice, celui-ci répondait invariablement: «Mais ce n'est pas de la visite». Elle esquissait un sourire, sans insister.
    —J'ai dû régler quelques affaires, avant de quitter le magasin.
    Le mot « affaires » impressionnait toujours favorablement le garçon. Les reproches muets s'estompèrent du petit visage. Au-dessus de lui, Thomas vit d'abord la jupe de serge apparaître en haut de l'escalier, puis tout le corps de la jeune femme. Elisabeth avait laissé la porte de sa chambre ouverte, afin de surveiller le retour de son employeur.
    —    Bonsoir, Monsieur. Nous avons voulu vous consulter encore, car demain ce sera le grand jour.
    Ce «nous» de majesté désignait en réalité le gamin un peu fébrile.
    —    ... Ah oui! L'anniversaire d'Eugénie. Vous accepteriez tous les deux de m'accompagner dans la salle à manger? J'ai un peu faim.
    Surtout, se trouver devant son repas lui donnerait une certaine contenance. Joséphine l'avait aussi entendu rentrer, des bruits dans la cuisine indiquaient qu'elle préparait déjà son plateau. Ils arrivèrent en même temps qu'elle devant la grande table. Selon un rituel établit par les quelques tête-à-tête précédents de la préceptrice et de son patron, la vieille domestique alla préparer de thé en maugréant un peu.
    —Je vais me placer près de toi, décréta Edouard en tirant une chaise pour s'agenouiller dessus, afin d'avoir un meilleur accès à la table.
    Elisabeth, quant à elle, s'installa en face du maître de la maison. Au moment où le garçon se rapprochait de son père et étalait la grande feuille de papier, au risque de renverser le verre de bière, elle expliqua :
    —    En guise de présent à Eugénie, nous avons pensé lui offrir un «journal» du dernier été. Celui-ci prend la forme d'une fresque, en quelque sorte.
    Les journaux illustrés présentaient souvent une grande page couverte de dessins pour marquer la fin d'une saison, ou d'une année. Le concept était familier à Thomas. Il se pencha un peu pour mieux voir. Le titre en haut de la page, Le Bel Eté de 1896, présentait une calligraphie trop élégante pour se réclamer d'un auteur de cinq ans. Ensuite, des vignettes s'étalaient en deux bandes superposées, illustrant les moments forts de la période estivale, depuis les festivités marquant l'élection de Wilfrid Laurier au Pavillon des patineurs, le soir de la Saint-Jean, jusqu'à l'excursion à l'île d'Orléans, en passant par toutes les activités du séjour dans Charlevoix. Le trait des dessins se révélait assez sûr, et en cas de doute sur leur interprétation, quelques mots, ceux-là visiblement de la main du garçon, permettaient de reconnaître les personnages et les situations.
    —Tu crois qu'elle va aimer ?
    —    J'en suis certain.
    —    Et toi, tu as pensé à lui donner quelque chose ?
    La curiosité, plutôt qu'une inquiétude toute fraternelle, inspirait la dernière question.
    —    Bien sûr que oui. Mais tu sais que c'est un secret.
    —    Je ne le répéterai pas. Juré.
    —Alors approche.
    Au moment où Joséphine entrait avec un second plateau portant une théière et des tasses, Thomas chuchota quelques mots à l'oreille de l'enfant. Celui-ci arrondit les yeux de plaisir, à l'idée de connaître pour une fois quelque chose que sa grande sœur ignorerait jusqu'au dîner du lendemain.
    —    Tu crois qu'elle aimera ?
    —    ... Oui.
    —    Et maintenant, ne penses-tu pas qu'il conviendrait de rouler ce grand dessin et de monter te coucher ?
    La protestation fut si brève que cela surprit les deux adultes. Au moment où Elisabeth sortit avec Edouard, le père lui demanda:
    —Mademoiselle Trudel, reviendrez-vous boire un peu de ce thé... et me tenir compagnie un moment par la même occasion ?
    —

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