Faubourg Saint-Roch
jeté un coup d'œil à vos livres. Si vous voulez passer dans mon bureau...
Ce dernier jeudi de septembre, un peu avant six heures, la jeune femme se préparait déjà à quitter les lieux. Hésitante, elle entra dans la pièce.
— Si vous voulez bien fermer la porte et venir près de moi, je vais vous montrer.
Cela sentait déjà le traquenard. Ses réflexions précédentes l'avaient conduite à décider de s'accrocher à ce poste de secrétaire, aussi avança-t-elle bravement pour se placer à sa droite afin de voir le registre sur le bureau.
— Regardez cette addition, indiqua l'homme en suivant de son index gauche une colonne de chiffres de haut en bas, jusqu'au total.
Sur la dernière ligne, un sept avait été corrigé au crayon rouge par un neuf.
— Cela représenterait une jolie perte, si je ne l'avais pas aperçu.
La voix paraissait sévère, aussi le cœur de Marie chavira un peu.
— Je ne l'avais pas vu... articula-t-elle, la bouche sèche.
Dans leur position, lui assis, elle debout à son côté, proche
au point que sa hanche touchait son épaule, en plus de la peur de perdre son emploi, un trouble malsain s'empara de la jeune femme. Sa crainte se combinait à une vague excitation. Quand elle sentit une main se poser à l'arrière de sa jambe gauche, juste à la hauteur du genou, puis remonter doucement sur la cuisse, jusque sous la fesse, tout son corps tressaillit.
Thomas constatait que sa grande main couvrait la moitié de la cuisse chaude et ferme, son pouce à l'extérieur, ses doigts à l'intérieur. Leur extrémité se trouvait tout près du sexe. Malgré le tissu de la jupe, du jupon, du sous-vêtement, il ressentait une impression de chaleur. Son propre sexe en érection, dissimulé sous la surface du bureau, lui faisait mal à force d'excitation.
Frémissante, Marie posa une main sur la surface du meuble devant elle. Le mouvement de serrer les jambes ne faisait que rendre plus envahissante encore la présence des doigts. Même si elle avait voulu protester, aucun son ne serait
sorti de sa bouche sèche. Puis la main se retira enfin.
— Pour cette fois, cela ira. Mais faites très attention.
Les jambes un peu flageolantes, la jeune fille quitta la pièce. Dans son esprit s'installait la conviction que la main sur son corps effaçait l'erreur de calcul, comme si un curieux commerce s'installait entre eux. D'un autre côté, elle comprenait que la moindre protestation lui vaudrait un renvoi immédiat.
«Elle était aussi excitée que moi», songea l'homme une fois seul dans son bureau, replaçant de la main son sexe contre sa jambe, afin de réduire son malaise.
L'ennui tenaillait parfois Alfred, au point qu'il cherchait de la compagnie du côté de l'administration du grand magasin. Juste un peu avant midi, il se retrouva dans le local de la secrétaire.
— Vous pouvez certainement manger avec moi, insista-t-il. C'est juste à côté, et je vous invite.
—J'ai apporté mon repas...
— Lequel sera sans doute aussi bon demain. Allez, un beau geste pour votre ancien patron.
Son sandwich serait sans doute encore comestible le jour suivant, malgré le pain probablement un peu sec. A la fin, elle se laissa convaincre et descendit avec lui le grand escalier du commerce. Un peu plus tard, ils entrèrent dans un petit restaurant rue de la Couronne. Les tables alignées sur deux rangées recevaient déjà quelques clients, pour la plupart des employés des établissements commerciaux voisins.
— Cela vous fera rire mais le croirez-vous, c'est la première fois que je viens dans un véritable restaurant? murmura la jeune femme. Bien sûr, je ne compte pas les comptoirs des fêtes foraines, des cirques ou des célébrations comme la Saint-Jean.
— Mais cela ne prête pas à rire. Si je l'avais su, je vous aurais emmené dans un plus bel endroit. Je suis toutefois heureux que vous partagiez cette première avec moi.
La situation n'avait pas de quoi surprendre, chaque ménage du quartier Saint-Roch savait qu'un repas préparé à la maison revenait moins cher que celui pris au restaurant. La vue du serveur accoutré d'un grand tablier blanc, venu prendre la commande un carnet à la main, impressionna Marie. La secrétaire abandonna à son compagnon la responsabilité de choisir les mets.
Quand le jeune homme fut retourné en cuisine, Alfred demanda :
— Comment se sont déroulées vos premières semaines de travail
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