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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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qu'il reculait la chaise, afin de mettre une plus grande distance entre elle et lui. Comme si elle se trouvait victime d'une tuberculose de l'âme très contagieuse.
    —    Qui est-ce, alors ? insista-t-il.
    —Je ne le dirai pas. De toute façon, c'est quelqu'un qui ne peut pas m'épouser...
    Ces derniers mots étaient de trop. Tout de suite, son frère en tira une conclusion :
    —    Parce qu'il est marié. Ton patron.
    Marie se mordit la lèvre inférieure, les larmes aux yeux.
    —    Je ne suis pas venue ici pour t'amener à soupçonner qui que ce soit. Tu es mon frère, je suis là pour te demander ton aide.
    Un long silence suivit ces mots. Quand la jeune femme ouvrit de nouveau la bouche, les larmes coulaient sur ses joues.
    —Tu es mon seul parent... Je te supplie de m'aider.
    Sa voix devenait rauque. Un peu plus, et les sanglots l'auraient étranglée.
    —    Je réfléchis, rétorqua le vicaire en posant des yeux durs sur elle. Je vais parler au curé, afin d'obtenir son appui pour te faire entrer au plus vite à la maison Béthanie. Je pense même qu'il sera possible de t'y faire admettre sous un autre nom.
    La réputation du prêtre à préserver, encore. Comme si une chose pareille pouvait passer inaperçue à Québec. Elle osa articuler dans un murmure :
    —    Et le bébé ?
    —    Pour son propre bien, le mieux sera de le confier à l'adoption. Avec un peu de chance, il se retrouvera dans une bonne famille.
    —    Si tu l'affirmes.
    Espérer autre chose aurait été irréaliste. Afin de ne lui laisser aucun doute sur la suite des événements, l'homme ajouta encore :
    —    Ensuite, il sera difficile pour toi de revenir dans Saint-Roch. Les gens sont bien peu tolérants...
    Son propre frère venait de la condamner à l'exil. Au moins, il n'avait pas complété toute la phrase qui lui venait à l'esprit. Elle se serait terminée par «... peu tolérants à l'égard de la femme impudique».
    —    Rentre à ta maison de chambres. Dès que cela sera arrangé à propos de la maison Béthanie, je te le ferai savoir.
    Congédiée, elle demeura un moment immobile, puis se leva pour se diriger vers la porte. Si elle avait espéré un peu de réconfort, elle s'efforça de n'en rien laisser paraître.
    L'année 1897 s'amorçait sous de bien mauvais auspices. Le plus difficile pour Marie était d'adopter un visage souriant pour adresser ses meilleurs vœux aux membres de la chorale. Son frère n'avait pas encore donné signe de vie. De toute façon, elle avait encore un peu de temps, rien ne sauterait aux yeux avant quelques semaines.
    Sur le parvis de l'église, le hasard voulut qu'elle croise de nouveau Marcel. Après un salut silencieux de la tête, elle pressa le pas pour retourner à sa pension. Au moment de s'asseoir à sa place habituelle dans la salle à manger, après les bonjours timides à ses voisins, elle entendit la veuve Giguère s'exprimer du bout de la table :
    —    Mademoiselle Buteau, vous ne paraissez pas aller mieux.
    —    Juste un peu de fatigue, je vous l'ai dit.
    —    Vous ne toussez pas, au moins? Je n'ai rien entendu, mais...
    Tout le monde à Québec tendait l'oreille et s'inquiétait de la toux tenace d'un proche. Cela ne pouvait annoncer autre chose que la tuberculose, la peste blanche qui emportait des milliers de personnes tous les ans. Un peu de sang dans un mouchoir, ou alors une mousse rouge à la commissure des lèvres, annonçait presque à coup sûr une mort prochaine.
    —    Je vous l'assure, il ne s'agit pas de cela. J'ai vu le médecin.
    Juste à ce moment, Marie eut l'impression que la petite bonne lui adressait un sourire en coin alors qu'elle versait la soupe dans son bol. À tout le moins, si elle avait constaté que ses règles ne se trouvaient plus au rendez-vous depuis des semaines, jusque-là cette jeune paysanne n'avait pas jugé utile de mettre sa patronne au courant.
    —    J'espère que vous profiterez de cette période de congé pour vous reposer.
    —Je compte faire une longue marche tout à l'heure. Cette journée d'hiver me fera le plus grand bien.
    Elle plongea sa cuillère dans la soupe aux choux avec l'espoir de se faire oublier. Ce fut peine perdue :
    —    Vous travaillez demain ?
    —    Le grand magasin sera ouvert, je devrai être à mon poste. Les soldes d'après les fêtes commenceront dès ce moment.
    —    Au moins, après-demain ce sera dimanche. Une autre occasion pour vous

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