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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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s'attarder, elle tourna les talons pour regagner la rue Grant, désireuse d'éviter toute nouvelle rencontre qui lui rappellerait le temps où, croyant être bien malheureuse, l'avenir se présentait encore sous un jour favorable.
    Après que Marie eut frappé à la porte du presbytère de la paroisse Saint-Roch, une religieuse revêtue d'un uniforme brunâtre, une coiffe blanche lui encadrant le visage, vint lui ouvrir. Pareil accoutrement devait faire oublier qu'il s'agissait d'une femme vivant au milieu de saints hommes.
    —    Mademoiselle Buteau ? Votre frère vous attend dans le bureau de monsieur le curé.
    La grande bâtisse devait compter une quinzaine de pièces au moins. Le vicaire avait choisi la plus formelle de toutes pour la recevoir. Sur les murs du couloir conduisant au bureau, de grands crucifix le disputaient aux images pieuses. En entrant dans la pièce sombre, elle eut le sentiment de revivre sa visite chez le docteur Couture, une dizaine de jours auparavant. Cela tenait au lambrissage de chêne, aux meubles imposants, mais aussi au curieux sentiment de pénétrer dans l'antre d'un magicien. Evidemment, le crâne sur l'étagère cédait ici sa place à une statuette de plâtre représentant la Vierge. Juste devant, un petit lampion brûlait. Quiconque entrait dans ces lieux, tout comme dans n'importe quelle demeure catholique, ne pouvait ignorer le modèle proposé il l'imitation de toutes les femmes. Marie encaissa le choc.
    Dans un coin, une énorme statue de saint Roch, accompagné de son chien, montait la garde. Curieusement, l'animal apportait une petite touche d'humanité qui manquait à tout le reste.
    —    Assieds-toi ici, indiqua l'abbé de la main, puis se tournant vers la religieuse, il enchaîna : Merci, Ma Sœur.
    Rien n'aurait pu témoigner plus éloquemment de ses nouvelles appartenances. Ces petits mots tout simples augmentèrent encore le malaise de la visiteuse. L'ecclésiastique ferma la porte, puis vint s'installer derrière le lourd bureau du curé de la paroisse. Dans dix ans, il occuperait sans doute ce fauteuil de plein droit, ou alors celui d'une autre paroisse de la ville, monarque inflexible d'un petit monde besogneux.
    —    Tu as demandé à me voir. Que se passe-t-il ?
    Rien, dans le ton, n'invitait à s'épancher. La jeune femme, les yeux fixés sur la surface du bureau, décida de lancer tout à trac :
    —    Je suis en retard.
    —    Pardon ?
    —Je suis en retard, répéta-t-elle en élevant la voix. Mes règles. Le docteur m'a confirmé que je suis enceinte.
    Le vicaire demeura un moment interdit. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, s'arrêta juste à temps. Nerveusement, il se leva pour aller se planter devant une fenêtre. En le suivant des yeux, Marie constata qu'elle donnait en partie sur le magasin Picard.
    —    Comment as-tu pu me faire cela ?
    —    Que dis-tu ?
    Un moment, la jeune femme demeura bouche bée, incertaine d'avoir bien compris.
    —    Tu devais savoir que la honte retomberait sur moi. Je viens tout juste d'arriver dans cette paroisse. Je visite les écoles afin de m'assurer que les enfants connaissent leur catéchisme. Très bientôt, le curé va m'autoriser à prêcher du haut de la chaire à la messe, ou lors de la prochaine retraite fermée. Imagine les ricanements quand je parlerai de chasteté. Ma propre sœur...
    Marie ferma les yeux, le souffle coupé comme si quelqu'un lui avait asséné un coup en plein ventre. Malheureusement, le choc qu'elle venait d'encaisser ne risquait même pas de provoquer une fausse couche.
    —    Honnêtement, au moment où c'est arrivé, et même depuis, je n'ai pas vraiment pensé aux difficultés que tu pourrais souffrir à cause de mon péché !
    —Je me doute bien que tu n'y as pas pensé. Ni au salut de ton âme.
    Pareille brutalité ne la surprenait pas vraiment, même si elle avait espéré un peu de compassion, à défaut de tendresse.
    —    Qui est le père ? continua le vicaire après une pause.
    —Je ne suis pas venue ici pour dénoncer quelqu'un. Peut-être l'apprendras-tu au confessionnal.
    —    Je pourrais le rencontrer, plaider auprès de lui pour le convaincre de t'épouser discrètement... C'est sans doute le gars que nous avons rencontré l'été dernier, à la Pointe-aux-Lièvres.
    —    Ne va surtout pas embêter Marcel. Jamais il ne m'a
    touchée.
    Emile Buteau retrouva son siège derrière le bureau. Marie eut l'impression

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