Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
cette couverture.
    Le commerçant faisait allusion à la «robe de carriole», un assemblage de peaux d'ours sous lequel la banquette arrière disparaissait presque complètement. Il demanda ensuite :
    —    Eugénie, tu montes la première ?
    —    Je veux être près de toi.
    —    Entendu, je te suis.
    La fillette avait espéré se trouver entre son père et la préceptrice. Celui-ci venait de tromper sa vigilance, et elle ne pouvait vraiment pas se rebeller sans se trahir. À un bout du siège, Thomas au milieu, Elisabeth à l'autre extrémité, elle perdait cette occasion de s'immiscer entre eux.
    —    Comme c'est chaud, observa la jeune femme une fois assise, en remontant la couverture de fourrure au-dessus de sa taille.
    —J'ai mis des briques chauffées au fond de la voiture, marmonna Grosjean en se retournant vers elle autant qu'il le pouvait avec son vêtement aussi rigide qu'une armure.
    —    Vous êtes la bénédiction des femmes frileuses, rétorqua-t-elle en riant, puis en se penchant un peu vers l'avant pour voir la fillette de l'autre côté de son employeur : n'est-ce pas, Eugénie ?
    —    ... Oui, merci, monsieur Grosjean.
    Le cocher claqua de la langue pour signaler au cheval de se mettre en route. Le traîneau glissa légèrement sur la neige amassée dans la rue, aussi dure que de la glace à cause des va-et-vient successifs. À moins de précipitations exceptionnelles, la neige dans les rues n'était pas enlevée, mais tassée avec un lourd rouleau. Comme, de leur côté, les trottoirs se trouvaient dégagés à la pelle par une armée de chômeurs désireux de gagner quelques sous de cette façon, la chaussée deviendrait bientôt un peu plus élevée que ceux-ci.
    Très vite, la carriole atteignit la rue du Pont, nommée ainsi parce qu'elle conduisait au pont bâti sur la rivière Saint-Charles. Tout de suite de l'autre côté, quelques rues offraient un peuplement assez dense, puis très vite ensuite le véhicule glissa sur une route de campagne. Une brise cinglante soulevait la neige en une fine poudrerie qui s'élevait à un pied ou deux du sol.
    Thomas échangea un regard avec la préceptrice. Elle plissait les yeux pour les protéger du froid. Ses joues et son nez avaient pris une couleur rose, les cils et le début des cheveux, visibles sous le bonnet, s'ornaient d'un petit frimas argenté.
    —    Quel bon air frais, jeta-t-elle avant de pouffer de rire.
    —    Frais à ce point, cela s'appelle froid.
    —    Il paraît que c'est très sain.
    —Je vous crois, aucune bestiole ne peut résister à ce climat.
    Depuis quelques décennies, le Français Louis Pasteur avait considérablement fait progresser les connaissances sur les organismes microscopiques. En conséquence, les germes et les microbes meublaient bien des échanges.
    Pareille conversation innocente dissimulait des jeux coupables. Sous la robe de fourrure, Thomas avait cherché la main de la jeune femme dès le départ de la maison. Il la tenait dans la sienne depuis ce temps. Elisabeth appuyait son épaule contre lui, ce qui tenait à la fois de son désir de chercher un peu de chaleur et de leur nouvelle intimité. A l'autre extrémité de la banquette, un peu morose, Eugénie souffrait de se sentir abandonnée.
    Sur la banquette avant, Edouard se trouvait un peu surélevé en comparaison des passagers assis derrière, ce qui l'exposait à la brise. Si, au début, son babillage avait arraché quelques monosyllabes en guise de réponse à Napoléon Grosjean, depuis un moment il ne disait plus un mot.
    —    Je pense que tu as froid, fit observer la préceptrice en se penchant vers l'avant pour lui toucher le bras.
    En se tournant à demi, l'enfant acquiesça d'un geste de la tête.
    —    Viens nous rejoindre.
    Les efforts conjugués des deux adultes suffirent à faire en sorte qu'il se retrouve entre eux, la couverture de fourrure tirée jusque sous son nez. Sans le vouloir, il les séparait mieux qu'Eugénie n'arrivait à le faire avec tous ses calculs.
    Le lundi 4 janvier, Marie Buteau était de nouveau derrière son bureau. Il lui avait fallu presque trois jours pour se décider, depuis sa visite à la maison Béthanie en fait. Un peu après midi, elle se leva comme un automate, marcha jusqu'à la porte du bureau, frappa d'abord deux coups, si faibles qu'ils ne pouvaient avoir été entendus, puis un troisième, plus fort.
    —    Entrez.
    L'homme se trouvait derrière son

Weitere Kostenlose Bücher