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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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immense bureau, immobile, les yeux levés sur elle.
    —    ... Je dois vous parler.
    —    Je suis occupé. Si vous voulez revenir...
    —    Non. Tout de suite.
    Le désespoir la rendait résolue. Elle ferma la porte, s'avança jusqu'au milieu de la pièce avant de déclarer d'une voix blanche :
    —    Je suis enceinte.
    Un long moment, Thomas Picard demeura immobile, les yeux ouverts très grands, fixés sur elle.
    —    ... C'est regrettable, très regrettable même. Je ne pourrai pas vous garder à mon emploi. Les commérages...
    Marie ferma les yeux brièvement, le souffle coupé. Quand elle put parler de nouveau, ce fut dans un souffle :
    —    Après m'avoir mise enceinte, vous ne trouvez rien de mieux à me dire ?
    —    Voyons, que racontez-vous là ? Ce n'est pas parce que
    quelques fois...
    Il s'arrêta brusquement, changea de ton pour continuer :
    —    De toute façon, rien ne prouve que ce soit de moi.
    Le ton cassant, la résolution sourde indiquaient que jamais il ne changerait ce discours. Qu'il n'avait pas été le premier lui avait permis de la prendre sur le coin de ce bureau sans trop d'arrière-pensées. Dorénavant, ce serait son plaidoyer de défense.
    —    Comment... comment pouvez-vous dire une chose pareille ?
    —    Soyez sérieuse. Je ne vous ai rien appris, vous saviez ce qui se passait. Qui me dit que ce n'est pas là le moyen que vous avez trouvé pour me soutirer de l'argent.
    —    Vous êtes le père !
    Elle avait crié. Un moment, Thomas se demanda si le son pouvait s'entendre à l'extérieur de la pièce. Des chefs de rayons allaient et venaient toute la journée dans les locaux de l'administration, sans compter tous les fournisseurs désireux de placer leurs marchandises.
    —    Sortez de mon bureau. Nous en reparlerons plus tard, quand vous vous serez calmée.
    —    Vous êtes le père ! lança-t-elle, moins fort mais avec la même détermination.
    —    De cela, vous ne pouvez pas être certaine.
    —    Je le suis.
    L'homme ferma les yeux, se demanda un moment si cette brune docile pouvait avoir été vierge. A la fin, il lui offrit un visage obtus, résolu à ne rien céder:
    —    Je ne vous crois pas. Cependant, je verrai ce que je peux faire avec le curé... À la condition que vous ne reformuliez plus jamais une pareille accusation. Il y a des endroits voués au soin des personnes dans votre état.
    Un autre volontaire se trouvait prêt à se démener pour l'enfermer à la maison Béthanie. Comme si cela lui coûtait, l'homme arriva encore à ajouter:
    —    Après, si vous le voulez, vous pourrez travailler à la ganterie. Ici, vous comprenez...
    —    Salaud !
    —    Mademoiselle Buteau... sortez!
    Elle tourna les talons, ouvrit la porte, hurla encore en la claquant derrière elle : « Salaud ! »
    —    Vous avez entendu ? demanda Alfred en levant la tête.
    —    Un cri... répondit la vendeuse, un sourire sur les lèvres.
    Le chef de rayon se trouvait dans la section des chaussures pour dames, tout près du passage permettant d'atteindre les locaux de l'administration. Il était en train d'essayer d'établir le prix de quelques invendus. Les gens n'achetaient plus rien pour l'hiver, à une date aussi tardive. Tout au plus en tirerait-il le prix coûtant.
    —    Je vais voir.
    L'espace habituellement occupé par la secrétaire se trouvait vide et la patère où elle pendait son manteau, renversée sur le plancher, comme il pouvait arriver quand quelqu'un tirait brutalement sur son vêtement pour le récupérer. L'homme jeta un coup d'œil à la porte du bureau de son frère, pensa qu'un face à face avec lui pouvait attendre un peu.
    En collant son front sur la grande fenêtre, Alfred aperçut la silhouette familière de la jeune fille sur le trottoir. Il s'élança dans l'escalier, sortit rue Saint-Joseph en souliers, revêtu seulement de sa veste. En courant, il put la rejoindre alors qu'elle arrivait à l'intersection de la rue Grant. L'accrochant par le coude pour qu'elle se retourne, il découvrit un visage couvert de larmes.
    —    Laissez-moi ! rugit-elle.
    —    Pas question. Vous venez chez moi.
    —    Laissez-moi, insista-t-elle en secouant la tête.
    —    Voulez-vous que je crève d'une pneumonie pour vous venger de mon frère ?
    La question était si absurde que sa rage tomba un peu. Le chef de rayon continua :
    —Je grelotte. Venez chez moi pour me

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