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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ganterie est un succès, tellement que je pense même aller de l'avant avec un nouveau projet. Accepterais-tu d'en assumer la gérance ?
    Cette fois, c'était au tour de Thomas d'afficher un sourire ironique, comme pour dire «Oseras-tu enfin, où entends-tu demeurer un spectateur toute ta vie ? »
    —Je trouve mon accomplissement dans la direction de mon rayon. Mais dans quel domaine voudras-tu sévir encore ?
    —    La fourrure.
    L'autre émit un sifflement peu en accord avec les usages d'un souper dans les formes, puis commenta:
    —    Tu sais pourtant que ton magasin se trouve à deux pas de celui de Jean-Baptiste Laliberté, réputé le plus important au Canada, dans ce domaine. Tu crois vraiment qu'il se trouve assez de clients pour vous deux dans la rue Saint-Joseph?
    —    Tu le sais bien, puisque c'est ton rayon, nous vendons déjà des manteaux de fourrure tous les jours, pendant la mauvaise saison. Bientôt, nous fabriquerons nous-mêmes ce que nous vendrons.
    —    Donc ce sera une manufacture minuscule !
    —    Et nous convaincrons certainement de nombreux détaillants de distribuer nos produits. D'abord, ceux qui vendent déjà nos gants se montreront intéressés.
    Thomas avait hérité d'une entreprise prospère. Il entendait maintenant prouver à tous qu'il était plus ambitieux que Théodule et Euphrosine l'avaient été en leur temps.
    Au gré de la conversation entre les adultes, Elisabeth s'efforçait de s'entretenir avec les enfants de leurs dernières lectures ou des promenades susceptibles de les intéresser. La saison froide limitait la liste des possibilités. Toutefois, les services de Napoléon Grosjean permettrait une jolie expédition au-delà de la rivière Saint-Charles, dans les campagnes qui s'étendaient jusqu'au village de Charlebourg.
    —    Mais si tu veux, conclut enfin le commerçant, nous ne dirons plus un mot sur les affaires et la politique, sinon nous plongerons les enfants dans un profond ennui.
    Alfred remarqua surtout qu'au fil de la conversation, Thomas avait régulièrement fixé des yeux la préceptrice.
    À neuf heures, le visiteur revêtit son paletot et s'enfonça dans la nuit. Elisabeth était montée depuis quelques minutes pour coucher les enfants. Quand elle redescendit, un verre de sherry l'attendait sur un guéridon, près d'un fauteuil de la bibliothèque.
    —Je suis désolé d'avoir aussi longuement parlé affaires avec mon frère, s'excusa Thomas d'entrée de jeu, mais nous n'avons pas beaucoup de sujets de conversation en commun.
    —Je suis certaine que deux hommes parlant commerce ou politique ne laisseront aucun souvenir désagréable.
    Elle voulait dire en comparaison avec le silence du souper de Noël. La conversation porta ensuite sur le projet d'une promenade en traîneau dû côté de Charlebourg dimanche prochain, c'est-à-dire le surlendemain. La présence de son employeur augmenterait considérablement l'esprit de collaboration de Napoléon Grosjean pour ce genre d'initiative.
    —    Je crois que je vais monter, décréta bientôt la jeune femme en quittant son siège. Vous devrez vous présenter tôt au travail demain matin.
    Thomas, poliment, se leva aussi. Après une hésitation, il murmura :
    —    Je vous remercie d'être venue me rejoindre ce soir sans que je ne vous le demande.
    Il voulait dire que pour une fois, sa décision ne tenait ni à un désir de lui parler des apprentissages des enfants ni à une demande explicite de sa part.
    —    Néanmoins, vous étiez certain que je viendrais, puisque vous aviez prévu un verre pour moi.
    —    Que vous n'avez pas touché. J'espérais, tout simplement... Je regrette cependant que vous ne portiez pas le camée.
    —    Je le porte, chuchota-t-elle, rougissante.
    En hésitant, sa main se leva jusqu'à sa poitrine, entre ses seins. Elle le regardait de ses grands yeux un peu fiévreux, visiblement troublée.
    —    Il ne m'a pas quitté depuis Noël... Comme cela, personne ne risque de le trouver par accident, ajouta-t-elle pour réduire un peu la portée de sa confidence.
    —    Montrez-moi.
    La bouche de la jeune femme s'ouvrit pour dire quelque chose, alors que son cou, ses joues et ses oreilles prenaient une couleur cramoisie. A la fin, des doigts tremblants se portèrent à son corsage, commencèrent à déboutonner les petites perles de celluloïd un peu en bas du plexus solaire, pour remonter vers le haut. Puis elle écarta les deux

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