Faubourg Saint-Roch
pans de tissu en fermant les yeux, comme une offrande. Le petit camée se trouvait bien là. Les minuscules anneaux, qui permettaient une semaine plus tôt de le fixer à un collier de velours avec un fil de soie, remplissaient le même office sur sa brassière.
Ce vêtement de coton assez lâche ne possédait aucune armature. Sur le corps d'Elisabeth, cela n'aurait servi à rien. Un peu lâche, il ne faisait que draper les seins. Thomas approcha la main droite. Les yeux clos, la jeune femme émit une plainte quand le bout des doigts frôla le tissu léger. Toute la main passa entre les pans du corsage, la paume se posa sur le sein gauche. Un gémissement sortit d'entre les lèvres d'Elisabeth, alors que son corps se raidissait tout entier.
L'homme apprécia la chair tiède, très ferme, élastique. En glissant sa main un peu vers le bas, il put la faire passer sous le sous-vêtement, pour apprécier le galbe peau contre peau. Parce que son corps paraissait maintenant mollir au point de s'affaisser, il passa son bras gauche autour de la taille de sa compagne. Un moment, le mamelon raidi lui chatouilla la paume de la main.
Quand les lèvres touchèrent les siennes, Elisabeth eut l'impression que ses genoux ployaient sous son poids. A son mouvement imperceptible, la main abandonna le sein, rejoignit l'autre autour de la taille. Les lèvres de l'homme s'agitèrent sur les siennes, les massèrent en quelque sorte. Puis sa langue se mit de la partie, toucha les petites dents blanches, frôla l'autre langue.
Les deux bras de la jeune femme s'accrochèrent autour du cou de l'homme, comme ceux d'une noyée à celui de son sauveteur. Les deux mains masculines quittèrent la taille, glissèrent sur les fesses pour les masser doucement. Ce faisant, il la pressait fermement contre son érection. La plainte d'Elisabeth, comme un sanglot, lui sembla remplir la pièce silencieuse. Elle éloigna sa bouche de la sienne et lui dit tout bas :
— Thomas, je t'en prie...
La baronne de Staffe se révélait affreusement silencieuse sur le sujet, mais d'instinct la jeune femme adopta le tutoiement avec un homme qui lui tenait les fesses à pleine main. Thomas fit de même en disant:
— Je te trouve si magnifique, si désirable que je vais te laisser quitter cette pièce et aller faire une longue marche dehors. Le froid me ramènera à la raison, car c'est folie de te laisser ainsi...
En prononçant ces mots, du bout des doigts il lui caressait le visage, puis le cou, juste sous les oreilles. A la fin, il reboutonna quelques-unes des petites perles de celluloïd du corsage, s'arrêta parce que ses mains tremblaient un peu.
— Je t'aime tellement... Maintenant, sauve-toi vite.
Elle ouvrit les lèvres pour dire quelque chose, mais ses yeux suffisaient amplement. Après un moment, la jeune femme gravit l'escalier sur des jambes flageolantes.
Le dimanche suivant, après un dîner rapidement avalé, tous les membres valides de la famille Picard revêtirent leurs vêtements les plus chauds, car le mercure risquait de descendre sous le zéro Fahrenheit au cours de la journée. Elisabeth Trudel ne possédait qu'un manteau de drap assez léger. Thomas exhuma un vieux paletot de lynx porté par sa femme une dizaine d'années plus tôt et l'aida à le passer.
— C'est à maman, remarqua Eugénie en rougissant.
—Je ne crois pas qu'elle ait l'intention de le mettre aujourd'hui, ma grande, rétorqua son père d'un ton égal.
Devant la maison de la rue Saint-François, Napoléon Grosjean se trouvait assis dans le premier banc d'une grande carriole, une couverture de peau de buffle sur les jambes, un capot de chat sauvage sur le dos, un chapeau de la même fourrure enfoncé sur les yeux. Accoutré de la sorte, il aurait pu servir de modèle pour l'une des gravures d'Henri Julien représentant un habitant canadien-français.
Tout de suite, Edouard décréta qu'il prenait place à côté du cocher.
— Tu risques de geler tout rond, observa son père debout sur le trottoir.
—Je suis habillé chaudement.
La quantité de chandails, de manteaux, de foulards dans lesquels Elisabeth l'avait enroulé lui donnait l'allure d'une pelote de laine. Si un besoin naturel se manifestait, jamais il n'aurait la moindre chance de se dévêtir à temps pour le satisfaire.
— Aussitôt que je vois ton nez, ou n'importe quelle partie de ton visage, changer de couleur, je te ramène derrière pour te fourrer sous
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