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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans une atmosphère de politesse factice. Le curé, un homme âgé à qui tous les avatars de l'existence étaient familiers, au moins par ouï-dire, ne sourcilla pas à l'idée de marier une femme enceinte de trois mois. Tout au plus y alla-t-il d'un «mieux vaut tard que jamais».
    Si la paternité d'Alfred lui parut suspecte, il eut la sagesse de n'en rien laisser paraître. En fait, après une heure à les questionner sur leur compréhension de la sainteté du mariage et à se contenter de réponses tirées directement du petit catéchisme, il les convia à une confession générale d'abord, puis convint d'une cérémonie discrète à la sacristie, le 25 janvier prochain, à neuf heures.
    Exactement une semaine plus tard, du haut du jubé, Marie Buteau entendit son pasteur annoncer en chaire :
    — Il y a promesse de mariage entre, d'une part, Marie Buteau, de cette paroisse, fille de feu...
    Immédiatement, une agitation s'empara des membres de la chorale, les femmes la félicitèrent à voix basse. Les plus délurées d'entre elles regardaient le tour de taille de leur compagne en plissant les lèvres en guise de condamnation muette.
    Dans la nef, contrairement à son habitude de concentration pieuse, Elisabeth Trudel tourna franchement la tête afin de regarder vers le jubé. La secrétaire de son employeur se trouvait bien là, au premier rang. De plus près, elle l'aurait vu remercier ses compagnes de leurs bons vœux en rougissant.
    —    Et Alfred Picard, également de cette paroisse, fils de feu...
    La préceptrice tourna à demi la tête pour fixer des yeux Thomas. Lui aussi rougissait, alors que machinalement il portait ses doigts sur son œil endolori, maintenant orné de marbrures vertes et jaunes.
    Quarante minutes plus tard, au moment où elle mettait les pieds sur le parvis de l'église, Marie fut assaillie par de nombreuses collègues de travail, et même des personnes qui, deux ou trois ans plus tôt, étaient ses camarades à l'école, désireuses de lui présenter leurs vœux de bonheur. La plupart affichaient une mine envieuse, car l'aîné des Picard se révélait une belle prise pour une fille d'ouvrier. D'autres lui jetaient plutôt un regard moqueur. La publication d'un seul ban signifiait clairement qu'elle avait prématurément « un pain au four».
    Bientôt, ce fut Yvonne qui se manifesta devant elle pour lui faire la bise, la féliciter et lui souhaiter bonne chance, suivie par son fiancé. Marcel vint tout de suite après. En lui tendant la main, il demanda, goguenard, un sourire ironique sur les lèvres :

—    Ce Picard, c'est ton patron, n'est-ce pas ?
    —    Mon ancien patron, le frère de celui pour qui je travaille maintenant.
    Le malaise rendait sa voix un peu chevrotante, alors que le rouge lui montait aux joues.
    —Je devrais essayer de marier Ludger Duchesne. Cela me vaudrait peut-être une augmentation.
    —    Je ne savais pas que ce manufacturier de chaussures souffrait de ces mœurs contre nature. Il a pourtant une femme et des enfants. Vous êtes sûr de ce que vous dites, Monsieur ?...
    Alfred Picard venait de rejoindre sa promise pour la prendre par le bras. Un grand sourire sur le visage, ses yeux trahissaient plutôt une colère contenue.
    —    Je blaguais, Monsieur. Je vous souhaite tout le bonheur possible, ajouta-t-il en tendant la main.
    Un instant plus tard, Marcel Bellavance s'éloignait pour rejoindre ses amis. Le couple se dirigea vers la rue Saint-Dominique. Une fiancée pouvait partager un repas avec son futur époux, au domicile de ce dernier, sans trop mettre en péril sa réputation.
    —    Ce garçon est un ami à toi ? demanda bientôt Alfred.
    —    S'il avait montré un peu plus d'empressement, et moi une mine plus encourageante, ton frère aurait dû s'expliquer devant lui.
    —Je ne suis pas certain que c'est le genre à provoquer un rival. Il vient de prendre la fuite un peu rapidement.
    —    Mais... tu es jaloux, ma parole!
    L'amusement de la jeune femme à cette pensée rendit son compagnon un peu songeur.
    —    A bien y penser, tu as raison, convint-il enfin.
    Élisabeth Trudel réussissait à contrôler ses maux de tête diplomatiques depuis quelques jours, au point de partager de nouveau les repas de son patron et des enfants. Toutefois, elle n'était pas revenue le voir dans la bibliothèque, en fin de soirée, depuis leur conversation du 4 janvier.
    Devant le dîner préparé par Joséphine,

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