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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Eugénie demanda à son père :
    —    Tu savais, toi, qu'oncle Alfred allait se marier?
    —    Oui, depuis quelques jours.
    —Je n'ai jamais vu une femme avec lui.
    Thomas mastiqua un peu plus longtemps que d'habitude, afin de se donner le temps de réfléchir à sa réponse.
    —    Il s'agit d'une employée du magasin, ma secrétaire. Tu l'as déjà rencontrée.
    —    La jolie dame avec les cheveux foncés, commenta Edouard.
    —    Oui, c'est elle.
    Les yeux d'Elisabeth fixaient son patron avec une intensité un peu fiévreuse. Un court instant, leur regard se croisèrent, puis l'attention de l'homme revint vers sa fille qui demandait:
    —    Nous irons au mariage ?
    —    Moi seulement. Je serai leur témoin. Cela veut dire que je devrai signer des papiers, précisa-t-il devant sa mine perplexe.
    —    J'aimerais y aller aussi. Je n'ai jamais vu de mariage.
    Encore une fois, Thomas regarda la préceptrice, constata
    que celle-ci se construisait sa propre représentation des événements. Il devrait bientôt implorer un rendez-vous pour lui donner sa version.
    —    Nous recevrons certainement des invitations au cours de l'été prochain. Je te promets que nous irons. Dans le cas de ton oncle, c'est un «petit» mariage, sans aucun banquet. Tout de suite après, nous retournerons travailler.
    —    Dans ce cas, autant ne pas y aller, conclut Edouard avec
    sagesse.
    Elisabeth commença à jouer avec sa nourriture, songeuse.
    Après l'angoisse fiévreuse qui avait été la sienne au début du mois, Thomas ressentait un immense soulagement. De façon tout à fait inattendue, Alfred l'avait tiré de ce mauvais pas. Bien mieux, toute cette histoire ne lui coûterait vraisemblablement pas un sou. Tout au plus devrait-il se montrer très tolérant à l'avenir envers les facéties de son aîné.
    Quand vers dix heures, des coups discrets contre la porte de la bibliothèque attirèrent son attention, l'homme comprit que le moment d'une discussion avec la préceptrice approchait.
    —Je peux vous parler un moment? demanda la jeune femme en rougissant, dressée dans l'embrasure de la porte.
    Le tutoiement n'était plus de mise entre eux. Après leur rapprochement, la distance semblait plus grande encore que le jour de leur première rencontre, dans le fiacre.
    —    En vérité, je vous attendais. Je vous ai attendue tous les soirs ces deux dernières semaines. Je peux vous offrir quelque chose à boire ?
    Elisabeth fit non de la tête, capturant la lumière de la lampe à gaz dans ses cheveux somptueux. L'homme lui désigna l'un des fauteuils, s'installa dans le second. Un peu penché vers l'avant pour se rapprocher d'elle, il attendit.
    —    Ce mariage inopiné, c'est pour réparer votre grosse bêtise, souffla-t-elle bientôt.
    —    Oui. Je suis désolé...
    La jeune femme secoua la tête pour le faire taire, puis demanda encore :
    —    Elle est enceinte, n'est-ce pas ?
    —    Oui.
    —    Cela explique la publication d'un seul ban, puis le mariage discret. Mais pourquoi Alfred accepte-t-il de faire cela?
    Thomas pensa s'engager dans une longue explication sur l'homosexualité, puis il se demanda si son interlocutrice savait seulement de quoi il s'agissait. Les sœurs de la congrégation Notre-Dame, comme les ursulines, devaient en connaître bien peu sur le sujet. Finalement, il se décida pour une version succincte:
    —    Il l'aime assez pour m'avoir fait cela quand il a su, expliqua-t-il en posant les doigts sur sa pommette endolorie. Puis cela lui donne l'occasion de se ranger, d'avoir une compagne. Depuis la mort de maman, il ressemble à une âme en peine.
    Bien sûr, l'homme forçait un peu la note, mais son récit possédait un fond de vérité.
    —    Laissez-moi vous expliquer...
    De nouveau, elle secoua la tête, avant d'ajouter :
    —    Ce n'est pas nécessaire. Les religieuses l'ont fait pour vous. Elles nous disaient que les besoins des hommes sont... irrépressibles. Comme vous ne couchez plus avec votre femme et que je vous ai refusé... Je suppose que vous ne pouviez faire autrement. Je vous remercie encore de ne pas avoir insisté, l'été dernier.
    —    Je vous aime trop pour cela. Si jamais ma situation changeait, je serais à vos pieds...
    En conséquence, son respect pour elle l'avait conduit vers une autre. Après deux semaines à retourner la situation en tous sens, Elisabeth demeurait toujours aussi perplexe. Ni

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