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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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commode.
    Marie le regarda sans comprendre, au point que son mari finit par dire en riant :
    —    Hier, je suis allé au magasin pour choisir quelques vêtements pour toi. Dans trois jours, les coutures de ce que tu portes vont éclater. Je lui ai laissé la facture.
    Sur ces mots, sa main caressa l'arrondi maintenant très perceptible de son ventre.
    —    Je ne veux rien accepter de lui.
    —    Alors convenons ensemble que c'est le cadeau qu'il me fait à moi. Je ne lèverai pas le nez sur cette offrande, car
    j'aspire à de grandes choses pour nous.
    —    ... Que manigances-tu ?
    Il répondit par un sourire, prit les deux valises et se dirigea vers la chambre. Il verrouilla soigneusement la porte dans leur dos, comme pour un interlude amoureux. Puis, après avoir déniché le vieux tournevis du paternel dans un coin de la garde-robe, il dévissa le madrier du plancher et étala sur le lit le petit trésor d'Euphrosine.
    —    C'est beaucoup d'argent? demanda Marie, impressionnée par les pièces d'or.
    —    Non, pas tant que cela. Mais avec le prix de cette maison, cela nous donnera de quoi lancer un petit commerce bien à nous. En travaillant tous les deux, et peut-être en ajoutant une vendeuse ou deux, nous nous en tirerons sans trop de mal.
    —    Tu quitteras le magasin Picard ?
    Alfred lui adressa son meilleur clin d'œil avant de répondre :
    —Je ne vais pas demeurer toute ma vie l'employé de mon cadet.
    Mettre une distance entre elle et Thomas Picard ne pouvait lui déplaire. L'idée de tenir boutique la laissait toutefois un peu sceptique.
    Alfred avait insisté pour qu'elle travaille encore une semaine, pour montrer l'anneau à son doigt, et la nouvelle robe un peu ample qui laissait Soupçonner son état. Cela tenait de la provocation, bien sûr. Elle céda pourtant à ce caprice.
    Le samedi 30 janvier, un peu avant six heures, Marie avait traité toute la correspondance en souffrance, rangé tous les dossiers dans les classeurs. Depuis son retour, jamais le grand livre de comptes relié de toile verte ne lui était passé entre les mains. De cela au moins, elle pouvait être reconnaissante à son employeur.
    En attendant l'arrivée de son époux, elle demeura un moment immobile devant les grandes fenêtres donnant sur la rue Saint-Joseph. La silhouette sombre et triste de l'église Saint-Roch lui bouchait un peu la vue. Sur les trottoirs, dans le halo tremblant des réverbères, des passants pressaient le pas sous les assauts du vent glacial venu du fleuve.
    La porte du bureau du patron s'ouvrit, Thomas Picard s'avança sans cacher son malaise, puis s'adressa à elle :
    —    Mademoiselle... je veux dire, Madame, je suis désolé de ce qui s'est passé.
    —    Ce qui ne change rien à ma situation, ni à la vôtre. Ce sentiment vous coûte peu.
    L'homme afficha sa surprise et continua, encore plus hésitant:
    —    Je vous demande pardon...
    —    Ne gaspillez pas votre salive : jamais je ne vous pardonnerai.
    Le commerçant voulut ajouter quelque chose, s'arrêta puis retourna sans rien dire de plus dans son bureau. Quand la porte se referma derrière lui, la voix d'Alfred se fit entendre dans son dos :
    —    La petite fille a définitivement disparu. La femme qui la remplace ne manque pas de piquant.
    —    Tu as entendu ? Cet homme ne doute de rien.
    —    En affaires, certains considèrent que c'est un avantage. Nous rentrons?
    Le chef de rayon lui offrait son bras. Sur leur passage, jusqu'à la porte, les employés saluèrent Marie pour la dernière fois. La jeune femme examina soigneusement les lieux. Au moment de passer la porte, elle murmura :
    —    Je ne pense pas revenir dans cet endroit.
    —    ... Chanceuse. Moi, je devrai le faire encore quelques mois. Ensuite, il va de soi que tous tes vêtements viendront de chez Alfred.
    —    Où est-ce ?
    —    Notre futur établissement. Comme le nom Picard est déjà utilisé, je me rabattrai sur mon prénom. Mais pour tout le reste de nos achats, cette grande surface sera tout de même utile : on y trouve de tout.
    La jeune femme fit voler la grande tresse sombre de ses cheveux en secouant la tête, puis décréta, inflexible :
    —    Je trouverai bien ailleurs.
    La nuit serait glaciale. Avec un peu de chance, Gertrude aurait déjà fait du feu dans la cheminée.
    Le mariage d'Alfred et de Marie ramena un certain calme dans la maison de la rue Saint-François.

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