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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans le bureau du curé. Le saint homme, un peu âgé, dormait un moment après le repas de midi. Cela leur laissait au moins une heure pour tirer cette situation au clair. En entrant dans la pièce, Alfred jeta un regard amusé sur la statue de saint Roch, s'approcha pour caresser la tête du chien de plâtre en disant :
    —Une question théologique me tracasse depuis mon enfance. Si cette bête volait du pain tous les jours pour nourrir le pauvre Roch pestiféré, celui-ci vivait donc des fruits du crime. On a pu le béatifier malgré cela ?
    —    Quelle est cette affaire de famille dont vous voulez me parler? demanda le vicaire, bien résolu à ne pas se laisser entraîner dans une discussion avec ce mécréant.
    —    Mon cher abbé, vous êtes l'oncle de mon enfant à naître, déclara l'homme en prenant place sur la chaise en face du grand bureau de chêne.
    Emile Buteau demeura un moment interdit, puis il choisit de s'asseoir aussi. Il commença :
    —    Vous êtes le père...
    —De l'enfant de Marie... votre sœur, pas l'autre, là-haut.
    Du doigt, il désignait la statuette cachée derrière un lampion.
    —Aussi, je viens vous demander d'organiser un mariage rapide. Ce serait une pitié d'avoir un garçon ou une fille qui gambade dans l'église au moment de la cérémonie. Le plus tôt sera le mieux, dans les circonstances.
    Le prêtre demeura un moment songeur, puis il finit par dire:
    —    C'est impossible. D'après ce que j'ai entendu à votre sujet...
    —    Je vous arrête tout de suite. Si vous comptez évoquer des commérages sur mon compte, il serait indigne de vous de prêter foi à des calomnies. Je n'ose croire que vous trahissiez devant moi le secret de la confession. Si c'est le cas, les gens à qui vous avez donné l'absolution ont menti.
    C'était la difficulté des pécheurs membres d'une petite communauté : si on ne confessait pas ses accrocs à la morale, le risque demeurait élevé que celui, ou celle, avec qui on les avait commis le fasse !
    Plutôt que de se réjouir de voir l'une des ouailles fautives de la paroisse proposer de rentrer dans les rangs du mariage chrétien, le vicaire bouillait de colère. Ni lui, ni aucun de ses collègues d'ailleurs, ne toléraient habituellement la moindre insoumission, la moindre ironie. La nouveauté de l'expérience ne la rendait pas plus agréable.
    —    Un mariage n'est pas une simple formalité. Il faut remplir certaines conditions.
    —    Nous les remplissons déjà. Informez-vous auprès de votre curé: votre sœur et moi sommes nés dans la paroisse, nous faisons nos pâques avec une régularité ennuyante. Bien sûr, Marie se confesse et communie plus souvent que moi. Mais c'est la même chose dans tous les ménages de la ville. Elle est enceinte d'une dizaine de semaines. A moins que vous teniez à ce que la paroisse entière la pointe du doigt comme la femme flétrie, il convient de faire vite. En réalité, c'est notre intérêt à tous les deux qui l'exige. Alors je compte sur vous pour nous ménager un rendez-vous avec le curé dimanche en matinée, tout de suite après la messe. Je désire qu'il n'y ait qu'une seule publication des bans la semaine suivante, et le mariage ensuite. Nous inclinons tous les deux, je devrais dire tous les trois, car vous partagerez notre hâte, pour le lundi 25 janvier. Vous savez que si le péché a été commis plus d'une fois, on ne peut jurer du moment de la conception. Mais le 25 prochain, je pense que Marie sera enceinte de trois mois. Si la cérémonie a lieu plus tard, son état ne fera plus aucun doute.
    Les prêtres avaient peu l'habitude de rester silencieux si longtemps devant un laïc, ni de se voir donner des directives. Dans les circonstances, le vicaire devait endurer la situation.
    —    ... Et après ? s'enquit-il à mi-voix.
    —    Le bébé naîtra six mois après le mariage, c'est tout. Vous savez, dans une paroisse comme Saint-Roch, ce n'est pas si rare pour le premier enfant d'une famille. Les loisirs licites sont peu nombreux dans ces parages.
    Non seulement cela se produisait assez régulièrement, mais la cérémonie effaçait la faute, en quelque sorte. Seuls les esprits chagrins se permettaient de revenir sur le sujet au fil des ans, avec le risque de se voir révéler une situation analogue dans leur propre lignée.
    —    Je verrai ce que je peux faire avec monsieur le curé. Les décisions de ce genre relèvent de lui, et

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