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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Thomas présentait de nouveau son image de compétence déterminée. Même si les élections n'auraient lieu qu'au printemps, déjà de nombreuses soirées passaient en réunions avec ses collègues du Parti libéral. Parti tôt, rentré tard, ses contacts avec la préceptrice conservaient une allure embarrassée. Néanmoins, à table, les choses revenaient lentement à ce qu'elles avaient été l'automne précédent.
    Au souper du 25 février, le commerçant provoqua une petite commotion quand il déclara :
    —    Réalisez-vous que nous n'avons rien fait ensemble au cours des deux derniers mois? Si cela vous plaît, demain matin je ferai l'école buissonnière, et nous irons profiter un peu de ce fameux carnaval dont les journaux parlent tant.
    —    Demain, c'est samedi ? questionna Eugénie, un peu surprise.
    —    Oui. Mais n'aie crainte, si je travaille fort toute la semaine prochaine, je reprendrai le terrain perdu.
    En vérité, la fillette se préoccupait peu de l'absentéisme au travail de son père, mais plutôt des occasions offertes aux adultes délinquants lors des journées de congé.
    Le carnaval d'hiver n'avait pas encore un caractère régulier. Toutefois depuis quelques années, les hommes d'affaires unissaient leurs efforts pour tenir une semaine de réjouissances pendant les jours précédents le mercredi des Cendres.
    Lors de cette fameuse journée, les fidèles se rendaient nombreux à l'église pour que le curé leur mette un peu de cendres entre les yeux en récitant: «Poussière, tu es poussière et tu retourneras en poussière». Dès le lendemain commençait le carême.
    Naturellement, devant un aussi sombre pronostic, les gens aimaient passer quelques jours à boire, manger, porter des costumes ridicules et faire la grimace à la mort. La peur de l'issue finale ne s'en trouvait pas diminuée, mais en rire un peu rendait la perspective plus tolérable.
    —    Alors, qu'en dites-vous ?
    —    Oh oui ! Nous pourrons aller glisser, s'écria Edouard.
    —    Auparavant, nous demanderons à Napoléon de nous emmener faire un tour de ville dans la grande carriole. Il y a des monuments, des activités sportives et des sculptures sur glace un peu partout.
    —Est-ce qu'Élisabeth viendra avec nous ? demanda le garçon.
    Pour cacher son dépit, Eugénie se perdit dans la contemplation du contenu de son assiette. Thomas planta son regard dans celui de la jeune femme, puis dit:
    —    Si elle désire nous accompagner, j'en serais très heureux.
    Les yeux de la préceptrice se détournèrent bientôt, alors que ses joues rougissaient un peu. Le garçon lui mit la main sur le bras, inclina la tête de côté et demanda, avec cet air de séducteur qu'il saurait si bien adopter quinze ans plus tard :
    —    Dis, Élisabeth, tu voudras bien venir avec moi ?
    —    ... Je serai heureuse d'être là.
    D'une façon qu'elle souhaitait discrète, ses yeux se posèrent un moment sur son patron. De l'autre côté de la table, Eugénie retrouva sa mine un peu inquiète.
    Pour l'édition de 1897 du carnaval d'hiver, Jean-Baptiste Laliberté avait joué un rôle central dans l'organisation. Après tout, pour un vendeur de manteaux de fourrure, l'idée d'amener ses concitoyens à jouer dehors se révélait une stratégie commerciale logique.
    Tôt en matinée, la carriole de Napoléon Grosjean prit ses passagers devant la maison de la rue Saint-François. Moins naïve que deux mois plus tôt, mais guère plus habile, Eugénie fit son possible pour arriver un peu en retard afin de ne pas devoir monter la première. Elle se trouva prise à son propre jeu, car au moment d'atteindre le trottoir, Elisabeth et son père se calaient déjà, épaule contre épaule, sur la banquette arrière. Elle se contenta de la place restante.
    Quant à Edouard, il trônait près du cocher. Comme le froid se révélait moins vif, et que les édifices de la ville le protégeraient du vent, cette fois il espérait braver les éléments sans avoir à se cacher sous la robe de fourrure.
    Au moment où le cocher fit claquer les rênes pour signifier au cheval de se mettre en route, un tintement aigrelet se fit entendre. Le vieil homme avait déniché un coussin orné de grelots. Sur la croupe de l'animal, il produisait une jolie musique.
    —    Comme c'est charmant, monsieur Grosjean. On dirait le tintement de verres de cristal.
    Le gros homme laissa voir son contentement, mais Eugénie, sollicitée du

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