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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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complété le plateau de sa maîtresse : une petite théière et une tasse de porcelaine, une cuisse de poulet et un peu de riz dans une assiette, sous un couvercle de métal pour conserver la chaleur plus longtemps, deux petits biscuits.
    —Vous porterez le plateau, comme vous l'avez proposé...
    Tout de même, la cuisinière savait tirer avantage de la présence de cette jeune femme. Un moment plus tard, à l'étage, elle frappait à la porte, ouvrait en entendant un «Entrez» à peine audible.
    —    Madame, mademoiselle Trudel aimerait vous parler. Peut-elle vous tenir compagnie pendant votre repas ?
    Alice Picard se trouvait assise dans son fauteuil, près du feu de cheminée. Après un moment d'hésitation, elle répondit d'une voix lasse :
    —    Je suppose qu'il le faut. Il y a une chaise contre le mur.
    Joséphine prit sur elle de la rapprocher tout en disant:
    —    Placez le plateau sur la petite table, et approchez-la de madame.
    Amusée par le ton anormalement onctueux de la cuisinière, Elisabeth fit comme on le lui disait. Elle prit la précaution d'enlever le couvercle métallique sur l'assiette, plaça celle-ci de façon à ce que la malade y ait accès.
    —    Voulez-vous que je vous verse du thé ?
    —    ... Non, pas tout de suite.
    Joséphine regardait la scène. À la fin, elle quitta la chambre en murmurant:
    —Je reviendrai chercher le plateau dans une heure.
    Après un moment debout au milieu de la pièce, un air emprunté sur le visage, Elisabeth finit par s'asseoir sur la chaise, en face de sa patronne. Alors que cette dernière commençait à manger un peu de riz, elle déclara :
    —    Madame Picard, je tiens à vous dire combien je suis heureuse de travailler dans votre maison.
    —    Vous devriez plutôt adresser ces paroles à mon mari.
    La voix de la malade demeurait bien faible, mais en même temps son ton trahissait une certaine dureté. Très pâle, son visage émacié exprimait une grande lassitude. Un moment interdite à cause de la rebuffade, la préceptrice enchaîna, un peu hésitante :
    —    Vos enfants sont très attachants. De plus, je pense qu'ils apprendront très vite. Eugénie reconnaît déjà une bonne moitié des lettres de l'alphabet. C'est un peu plus difficile pour Edouard, mais il est encore si jeune...
    —    Le mieux serait d'entretenir mon mari de tout cela... Vous savez, je suis si fatiguée, continua la jeune femme après une brève hésitation.
    Elle avait certainement été très jolie, la peau rose, les cheveux d'un blond très pâle, tout comme ceux de sa fille. Maintenant ternes et cassants, ils pendaient des deux côtés de son visage émacié. Les yeux éteints ressemblaient à deux billes de verre au milieu de grands cernes. Quant au teint, malgré la chaleur ambiante, il demeurait blanc, sinon gris.
    —    ... Oui, bien sûr, fit la préceptrice. Toutefois, j'aimerais tout de même recevoir quelques indications. Par exemple, je remarque que vos enfants tutoient spontanément tout le monde. Comme ils commencent à être grands...
    Elisabeth s'arrêta quand son interlocutrice ferma les yeux devant elle. Alice Picard avait posé sa main droite sur la surface de la table, la fourchette toujours dans les doigts. La préceptrice attendit un court moment, ne sachant trop que faire, puis se leva en s'excusant à voix basse :
    —Je suis désolée de vous avoir dérangée pendant votre repas.
    Au moment où elle posait la main sur la poignée de la porte, la malade demanda dans un murmure :
    —    Avant de les mettre au lit, pourriez-vous demander aux enfants de passer me voir ?
    —    Oui, bien sûr.
    Elle sortit, referma tout doucement la porte dans son
    dos.
    Thomas Picard alignait des chiffres sur deux colonnes dans un grand registre. Les affaires demeuraient prospères : avec la belle saison qui arrivait, les citadines penseraient à acquérir de jolies robes de coton (les plus riches, de mousseline.) Leurs compagnons ne voudraient pas être en reste, achetant des complets de lin et des chapeaux de paille, du genre canotier. Puis les deux gares, celle du chemin de fer allant vers le Saguenay et le lac Saint-Jean, puis l'autre du Canadien Pacifique, déverseraient tous les jours des ruraux désireux de se vêtir de pied en cap pour un mariage prochain. Le magasin serait fréquenté sans discontinuer. Si la taille de la ville ne permettait pas d'agrandir encore celui-ci, la rentabilité de l'entreprise

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