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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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divertissement.
    —    Mais tu ne dois pas t'endormir tout de suite. A ton âge, je restais des heures les yeux grands ouverts, à écouter les moindres craquements dans la maison.
    Eugénie fit un signe d'assentiment. La malade tenait à ce que le vide dans l'existence de son mari, créé par son absence, demeurât intact! Instinctivement, la petite fille s'inquiétait déjà que ce ne soit pas elle qui l'occupe tout entier.
    Quelques minutes plus tard, la routine qui s'était déjà installée depuis l'arrivée de la préceptrice reprenait ses droits. Pourtant, un changement subtil s'opérait. Alors que les mésaventures de Peau d'âne amenaient irrévocablement Édouard au sommeil, Eugénie se demandait quelle métamorphose un peu magique lui permettrait de devenir le foyer de l'attention.
    Ce ne serait pas facile: alors que la voix douce d'Elisabeth progressait dans le conte de Charles Perrault, la petite fille la soumettait à un examen attentif. La jupe de serge bleue drapait de longues jambes fines. Le chemisier soulignait une taille mince, une poitrine à l'arrondi invitant. Les manches gigot donnaient une largeur artificielle aux épaules, mais sans exagération. Un peu penchée vers l'avant, ses cheveux blonds, attachés sur sa nuque, venaient se poser sur son épaule gauche.
    Aucune bonne fée n'apporterait une robe à la couleur capable de rivaliser avec le soleil, pour attirer les regards sur Eugénie. Au moment où la préceptrice posa ses lèvres sur le front de la petite fille, celle-ci se raidit un peu, en un mouvement trop discret pour être perceptible.
    Le jeudi, Élisabeth rassembla tout son courage et descendit au rez-de-chaussée après avoir couché les enfants. Au pire, elle en serait quitte pour une heure ou deux à attendre en vain. Parfois, le patron rentrait tard : depuis le début de la campagne électorale, cela se produisait un peu plus souvent.
    Assise bien droite sur un fauteuil du salon, mal à l'aise de se trouver ainsi seule dans un lieu de la maison réservé à la famille Picard, elle attendit. Un peu avant huit heures, Thomas ouvrit la porte d'entrée. La préceptrice le rejoignit immédiatement dans le hall, avec un empressement dont l'homme s'inquiéta :
    —    Il est arrivé quelque chose ?
    —    Non, non, je suis désolée de vous avoir donné cette impression. Je désirerais juste un moment de votre temps afin de discuter de l'éducation de vos enfants. J'ai besoin de votre éclairage, en quelque sorte.
    —    Oh ! Très bien. Compte tenu de l'heure, le mieux est de m'accompagner dans la salle à manger. Nous serons plus à notre aise.
    En entendant son employeur entrer dans la maison, Joséphine avait pris sur elle de tirer du réchaud placé au-dessus du poêle la pièce de viande qui lui servirait de souper. Sur un plateau, elle plaça aussi un verre de bière fraîche et un couvert. Un moment plus tard, la cuisinière arrivait à la salle à manger en même temps que lui. Son visage exprima un certain agacement de le voir en compagnie de la jeune femme.
    —    Merci, Joséphine. Mademoiselle Trudel, vous désirez quelque chose?
    —    J'ai mangé il y a peu de temps... Une tasse de thé, si cela ne vous dérange pas trop.
    —    Vous vous en occupez ?
    La forme interrogative était de convenance. La cuisinière supprima la grimace qui, en l'absence de témoins, aurait marqué son visage, puis retourna à son poêle, sur lequel une bouilloire chauffait en permanence.
    Plutôt que d'occuper le bout de la table, Thomas Picard plaça son plateau au milieu de celle-ci, puis indiqua à Elisabeth la chaise située juste en face de lui.
    —    Vous voulez me parler d'éducation. Ne serait-il pas plus convenable d'en discuter avec mon épouse? Ces questions relèvent des femmes, d'habitude.
    —    J'ai bien essayé, il y a deux jours. Sans beaucoup de succès, je dois dire...
    En disant ces mots, le rouge marqua les joues de la jeune femme, sensible au reproche implicite que contenait sa remarque.
    —    Le pire, c'est que je ne suis même pas surpris, commenta l'homme après avoir avalé une gorgée de bière.
    Il commença à couper sa viande. La préceptrice se résolut à attendre un peu afin de le laisser entamer son repas. Après un moment, Joséphine revint avec une théière, une soucoupe et une tasse. Le temps de se verser un peu de thé et de le porter à ses lèvres pour se donner une contenance, elle osa enfin commencer

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