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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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politiques ou des hommes d'affaires les plus prospères. Au bout d'un moment, le jeune homme s'arrêta pour montrer une magnifique demeure de brique flanquée d'une tourelle à l'avant.
    —    Voilà le château de mon patron. Le cochon, il ne doit pas s'ennuyer, là-dedans. Chaque fois que je couds une empeigne à une semelle de chaussure, je paie une de ces briques.
    —    Ne te vante pas, protesta son collègue : au nombre de chaussures qui te passent entre les mains en un mois, tu serais le seul à avoir construit cette maison. Nous sommes plus de trois cents à la manufacture.
    L'autre lui adressa une grimace, pensa un moment à lui répondre. Le petit groupe réuni dans le halo de lumière d'un réverbère ressemblait à un quatuor de conspirateurs. Mieux valait continuer leur chemin, sinon un domestique risquait d'appeler la police. Les forces de l'ordre se montraient particulièrement soucieuses de préserver la quiétude des riches et des puissants.
    Au fond, cette excursion sur l'allée magnifique avait un effet plutôt déprimant sur les quatre travailleurs. A l'intersection suivante, ils s'engagèrent vers le nord, pour rejoindre la rue Saint-Jean et revenir jusqu'à la Côte-d'Abraham. Comme la température demeurait douce, le ciel plaisamment étoilé et les rues en pente descendante jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination, personne n'évoqua la possibilité de prendre un tramway.
    Les jeunes gens se séparèrent au coin des rues Saint-Joseph et du Pont. Les jeunes femmes, Marie surtout, se montraient peu désireuses d'amener leurs chevaliers servants jusqu'au pas de leur porte. De toute façon, dans une paroisse où tout le monde se regroupait sur le parvis de l'église le dimanche matin, l'un ou l'autre de ces hommes pouvait décider de renouer le contact. L'initiative de le faire leur revenait exclusivement. Aucune jeune célibataire voulant conserver un atome de respectabilité ne se risquerait à en faire autant.
    Avec ses quelques milliers d'habitants, Ottawa faisait piètre figure dans la liste des capitales nationales. La décision de la reine Victoria en faveur de ce site avait d'ailleurs suscité la consternation chez les politiciens, quelques décennies plus tôt. A la décharge de la gracieuse souveraine, les critères qui avaient pesé sur son choix ne lui laissaient guère de marge de manœuvre: à la frontière du Québec et de l'Ontario pour n'offusquer personne, et suffisamment loin de la frontière américaine pour éviter les attaques surprises. Cela ne laissait guère d'autre choix que le petit village de Bytown.
    Le 4 juillet 1896, la victoire de Wilfrid Laurier était encore trop récente pour que celui-ci ait déménagé ses pénates dans la petite ville. Le grand homme logeait au dernier étage de l'hôtel Dominion, au coin de Slater et Metcalfe, à deux pas du petit opéra.
    Au moment de s'asseoir sur un fauteuil élimé, en face du politicien, Thomas Picard remarqua :
    —    Je suis étonné de ne pas vous rencontrer dans les bureaux du parlement.
    —    Ce sera pour votre prochaine visite. Actuellement, les conservateurs sont occupés à détruire tous les documents qui pourraient servir de pièce à conviction contre eux. Après quarante ans de pouvoir presque ininterrompu, il leur faudra encore quelques jours.
    —    N'auriez-vous pas intérêt à tout récupérer pour leur régler leur compte ?
    —    D'abord, ils ne seraient pas d'accord. Ensuite, la politique obéit à certains usages. C'est un peu comme la parole de Notre-Seigneur : ne pas faire aux autres ce qu'on n'aimerait pas qu'ils nous fassent.
    Le commerçant se fit la remarque que vendre des vêtements au détail demandait moins de compromissions que le
    jeu politique.
    —    Outre le plaisir de vous revoir, je tenais à ce que vous rencontriez mon futur ministre des Travaux publics. Vous savez que ce ministère est important pour asseoir notre parti au pouvoir.
    —    En distribuant les largesses de l'Etat.
    —    Exactement.
    Ceci revenait à dire que pendant les quatre ou cinq prochaines années, toutes les dépenses pour doter le pays en pleine expansion d'infrastructures nouvelles récompenseraient les membres loyaux du Parti libéral.
    —    Qui donc devrai-je rencontrer ? demanda Thomas.
    —    Israël Tarte.
    —    Pas cette vieille grenouille de bénitier ! De toute façon, il a été battu dans son comté de Beauharnois, il y a moins de deux

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