Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
Picard retrouva son petit groupe et le conduisit dans l'hôtel. Pour Elisabeth et les enfants, il s'agissait d'une première visite. Tous les trois ouvraient de grands yeux sur les papiers peints aux motifs floraux de couleur sombre, les décors de plâtre surchargés des plafonds à caissons, les tapis épais, moelleux sous les pieds.
    Un moment plus tard, le maître d'hôtel de la salle à manger conduisait le petit groupe à une table située près de grandes fenêtres. Sous leurs yeux, des centaines de badauds endimanchés allaient et venaient sur la terrasse Dufferin.
    En prenant sa serviette pour la poser sur ses genoux,
    Elisabeth examinait discrètement les clients qui occupaient la grande salle à manger. La plupart des tables accueillaient de petites familles, ici et là se trouvaient quelques couples. L'anglais dominait les échanges. En cette saison, des touristes venus du Canada ou des États-Unis occupaient à peu près toutes les chambres de l'établissement.
    La jeune femme constata très vite que sa tenue modeste la distinguait de toutes les femmes présentes. Son rôle à cette table n'aurait pas été plus clair si elle avait porté un écriteau pendu à son cou. La fierté qu'elle pouvait éprouver en marchant sur les trottoirs d'un quartier ouvrier se muait ici en une certaine gêne, un profond sentiment d'être de trop en ces lieux; elle n'était qu'une domestique qu'un hasard improbable avait conduite là.
    Dans les circonstances, autant assumer son rôle de la meilleure façon possible. Elle apprécia l'habileté avec laquelle Eugénie se débrouillait avec sa serviette, enfonça un coin de celle d'Edouard dans le col du garçon en adressant un regard à Alfred, comme pour excuser l'accroc aux bons usages de son protégé. Puis elle abandonna totalement à cet homme la responsabilité de discuter avec le serveur des choix culinaires de la tablée. Quelques minutes plus tard, alors qu'une salade leur avait été servie, l'oncle ne put s'empêcher de remarquer :
    —    Mademoiselle Trudel, vous me paraissez faire merveille : ces enfants sont sûrement les plus sages et les mieux éduqués dans cette salle.
    —    ... Merci, Monsieur. Nous avons bien travaillé, ces dernières semaines.
    —    Je suis grand, maintenant, souligna Edouard en se tournant vers son oncle.
    Malheureusement, en prononçant ces mots, puis avec les coups de mâchoire qui leur firent suite, le gamin offrait à son oncle une vue imprenable sur sa bouche pleine de salade.
    —    Quelques notions lui échappent encore, remarqua Elisabeth avec un sourire amusé.
    —    A tout le moins, vous lui avez communiqué l'importance de bien mastiquer avant d'avaler.
    Eugénie laissa échapper un long soupir, exprimant toute la honte que la présence de son jeune frère à cette table lui infligeait. Tout au long d'un excellent repas, la conversation, animée par Alfred Picard, porta sur les apprentissages effectués par les enfants. Ceux-ci faisaient étalage de leurs nouveaux savoirs avec une fierté évidente. Elisabeth écoutait ces échanges, participait lorsqu'on l'invitait à le faire.
    Toutefois, son attention se portait fréquemment sur les autres convives dans la salle à manger. Il lui apparut bientôt que les regards masculins se portaient souvent sur elle. La simplicité même de ses vêtements, l'absence de tout ruban et de toutes dentelles sur la longue jupe et sur le corsage, tout comme celle, non moins évidente, d'un corset, permettaient de mieux apprécier sa silhouette, la souplesse de son corps, le galbe de sa poitrine. Son petit chapeau de paille ne payait pas de mine. Mais incliné de cette façon sur son œil droit, placé sur une masse de cheveux blonds lourds et soyeux, fraîchement lavés, coiffés en un assemblage complexe pour l'occasion, il prenait un charme nouveau. En quelque sorte, la modestie de la mise mettait son corps en valeur.
    Les escapades de Thomas Picard demeuraient peu nombreuses, car ses obligations familiales et commerciales l'immobilisaient à Québec. Toutefois, il descendait de temps en temps à la gare Windsor, situé juste en face du carré Dominion, louait une chambre à l'hôtel du même nom et profitait des plaisirs de la grande ville dans un anonymat relatif.
    La veille au soir, son passage au parc Sohmer lui avait valu de profiter d'abord du spectacle étonnant d'une «vue animée». La petite foule réunie dans une bicoque branlante assista avec un certain

Weitere Kostenlose Bücher