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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ses doigts.
    —    Nous obtenons une lumière susceptible d'éclairer cette journée. Tenez, je vous lis ce que je découvre: «L'œuvre de chair ne désireras, Qu'en mariage seulement. »
    —    ... En effet, vous avez raison.
    Ce petit exercice devait avoir été prémédité avec soin, l'épine du livre préalablement cassée afin que le Catéchisme s'ouvre à peu près à la page voulue. Si ce n'était pas le cas, rien n'interdisait de donner le change: à moins d'être demeurés, tous les catholiques de la province de Québec âgés de plus de dix ans pouvaient réciter les dix commandements de Dieu sans risque de se tromper. Les sixième et dixième, liés aux péchés de la chair, tenaient de l'obsession collective.
    Elisabeth plongea le nez dans sa tasse de thé pour se donner une contenance, songeant au plaisir qu'elle aurait eu à citer le chapitre relatif au jugement téméraire de l'introduction à la vie dévote. Cet ouvrage incontournable se trouvait certainement dans la chambre. Cela aurait toutefois été s'exposer, en guise de réplique, à un résumé du chapitre intitulé «Des désirs», ou alors un autre, au titre plus conséquent : « Avis aux vierges » !
    Après un moment, la malade referma son opuscule pour le poser sur la table, puis ajouta d'une voix un peu lasse en prenant une mèche de ses cheveux pour en examiner les
    pointes :
    —    Quelle pitié, ils deviennent ternes et cassants. Il y a quelques années, ils ressemblaient à ceux d'Eugénie.
    Le fil de cette conversation échappait totalement à son interlocutrice. Celle-ci reprit la balle au bond et proposa :
    —    Aimeriez-vous que je les brosse ? Il paraît que cela peut faire le plus grand bien.
    —    Les enfants ont raison, vous êtes très gentille. Vous trouverez une brosse sur la commode.
    Un instant plus tard, avec d'infinies précautions pour ne pas les casser, ni faire de mal à Alice, elle entreprit de brosser les cheveux de la malade. La proximité de ce corps avait quelque chose de troublant. La texture de la peau un peu parcheminée sous les doigts, une odeur indéfinissable, attribuable à une hygiène déficiente, l'impression que la mort rôdait dans la pièce, tout cela lui donnait un léger haut-le-cœur. Cette femme de trente ans montrait un cou plissé de volaille. Par la chemise de nuit qui béait, Elisabeth aperçut un sein flasque, comme une outre vide.
    Quand, après une vingtaine de minutes, la préceptrice sortit enfin de cette pièce, ce fut pour s'appuyer sur le mur du corridor et respirer profondément, les yeux fermés. Edouard la trouva là, au moment de descendre du grenier pour aller se débarbouiller avant le souper. Il lui prit la main en disant:
    —    Viens, c'est l'heure de manger.
    Le jeudi en fin de matinée, un peu plus de trois jours après avoir été sauvagement battu par un amant de passage, Alfred Picard se présenta au grand magasin de la rue Saint-Joseph.
    Il marchait avec prudence, le corps très raide, en prenant bien garde de ne pas bouger les bras ou la tête. Pourtant, la difficulté de se déplacer représentait un bien petit défi, comparée à l'action de se lever et de se vêtir ce matin. L'opération avait coûté bien des grimaces et de nombreux jurons.
    Le convalescent passa d'abord par le rayon des vêtements féminins afin de saluer Marie.
    —    Vous semblez en très bonne forme, monsieur Alfred, observa-t-elle en guise de mot de bienvenue.
    —    Mademoiselle Buteau, c'est très vilain de mentir ainsi.
    —    A tout le moins, vous paraissez mieux que lundi dernier.
    —    Si je me sentais plus mal qu'il y a trois jours, vous seriez présentement à mes funérailles.
    Afin de regarder autour de lui, l'homme fit pivoter tout son corps. La clientèle se trouvait très nombreuse, les ventes réjouiraient le grand patron.
    —    Ne comptez pas sur moi avant quelques jours. Je vais annoncer à mon frère que je suis tiré d'affaire, puis je rentre me coucher.
    —    Revenez-nous vite, Monsieur.
    Le chef de rayon accueillit ces bons mots avec le sourire, puis il se dirigea vers les bureaux de l'établissement de son pas d'automate.
    —    Mais que faites-vous là ? demanda-t-il au secrétaire de Thomas. Depuis des semaines, on ne vous voit plus guère.
    —    Pourtant, je suis venu tous les jours, fit remarquer Fulgence Létourneau en affichant le sourire d'un homme particulièrement fier de lui. Je suppose que vous

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