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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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même.
    Alors qu'elle dînait dans la cuisine avec les enfants, ce fut avec surprise qu'Elisabeth entendit Joséphine grommeler:
    —    Madame aimerait vous parler. Elle a proposé l'heure du thé.
    —    ... Ce sera avec plaisir.
    Jusque-là, les deux femmes n'avaient eu qu'une véritable rencontre. En réalité, la préceptrice s'était révélée incapable d'intéresser Alice Picard à l'éducation de ses enfants. Aussi ce fut avec la plus grande circonspection qu'elle frappa à la porte de la chambre un peu avant cinq heures, puis qu'elle entra après y avoir été invitée.
    La malade occupait son fauteuil habituel, près de la cheminée. Heureusement, aucun morceau de charbon ne s'y consumait. La température extérieure voisinait les quatre-vingts degrés, mais dans la pièce totalement close, il fallait en ajouter dix de plus.
    —    Venez vous asseoir près de moi, demanda Alice en désignant une chaise de l'autre côté de la petite table ronde en face d'elle, et servez-vous du thé. Je sais que je ne fais pas une bonne hôtesse, mais cette théière devient un peu lourde pour moi. Je risquerais d'en renverser.
    D'une traite, elle venait de prononcer plus de mots que pendant leur rencontre antérieure.
    —    Ce n'est rien, la rassura Élisabeth. Voulez-vous que je vous en verse aussi ?
    —    Non, cela ira.
    Alice Picard se tenait plus droite que d'habitude dans son fauteuil, comme pour honorer la visiteuse d'une présence plus tangible, en quelque sorte.
    —    Vous vous plaisez toujours dans cette maison ?
    —Je suis très heureuse d'être là. Vos enfants sont absolument adorables.
    —    Ils savent déjà lire un peu... même le petit Edouard. En moins de deux mois, c'est remarquable.
    Élisabeth sourit à cette assertion, jugeant toutefois inutile de préciser que le gamin arrivait tout juste à déchiffrer quelques mots simples, ou alors ceux, plus complexes, en lien avec son obsession de l'électricité.
    —    Vous savez, leur situation est idéale, tout comme la mienne. Avec une classe de deux élèves bien sages, je peux être attentive à leurs progrès.
    —    Tout de même, j'ai bien l'impression qu'en une année avec vous, ils apprendront autant qu'en deux années à
    l'école.
    Cela correspondait aussi à l'évaluation de la préceptrice. Elle se priva de préciser que c'était sans compter les aspects moins scolaires de son intervention, de la bienséance aux leçons de choses. Depuis une semaine, la jeune femme avait décidé de conduire ses protégés dans divers lieux d'intérêt de la ville. Elle préféra évoquer son nouveau projet:
    —    Nous avons commencé récemment une étude sérieuse du catéchisme. Les enfants devraient faire leur première communion le printemps prochain, avec ceux des écoles voisines.
    —    Quelle excellente idée. Eugénie ne sera-t-elle pas déjà un peu âgée ?
    —    Edouard, quant à lui, sera un peu jeune.
    La préceptrice avait dit cela en souriant, comme si elle trouvait amusant que la moyenne des âges de ses protégés lui permette de s'en tenir aux usages.
    —    Ma propre copie du catéchisme se trouve sur le linteau de la cheminée. Voulez-vous me l'apporter?
    Elisabeth se leva pour chercher le petit opuscule soigneusement relié. Au passage, elle remarqua un bouquet de roses blanches totalement séchées, conservé sous une cloche de verre. Il s'agissait du bouquet de mariage de la malade, le symbole d'un amour pur, innocent.
    —Je conserve cette copie du Catéchisme des provinces ecclésiastiques de Québec, Montréal et Ottawa précieusement. Le texte fut approuvé en 1888, commenta Alice en l'ouvrant à la page titre.
    —    Je sais, nous utilisions aussi cette version au couvent.
    —    Ces dernières années, je l'ai beaucoup feuilleté. Vous comprenez, dans ma situation, mieux vaut demeurer prête.
    Elle voulait dire prête à rencontrer son Créateur d'un jour à l'autre. Cela ne méritait aucune réponse. Tous les catholiques devaient se préparer à cette éventualité, mais évidemment les malades en ressentaient la nécessité plus que les autres.
    —    C'est curieux comme ce petit livre peut vous livrer des conseils appropriés à toutes les situations, à chaque moment de l'existence. Si je le laisse s'ouvrir au hasard...
    Alice posa l'épine de l'opuscule sur sa main grande ouverte, puis le lâcha. La plupart des pages allèrent vers sa paume, les autres vers

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