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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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chevet du lit.
    —    Un petit peu.
    —J'ai écrit un mot à papa. Il a promis de m'écrire quand il partirait en voyage.
    La femme afficha un mouvement d'agacement, désireuse d'en venir sans attendre à son obsession.
    —    Elle était là ?
    —    ... Oui. Comme la place était libre...
    Dans sa spontanéité naïve, la petite fille venait de très bien définir la situation. Seule la malade n'arrivait pas à admettre cet état de choses.
    —    Ensuite, elle est redescendue. Je l'ai vue, murmura Alice.
    Elle n'osa pas préciser « par le trou de la serrure ». C'était là l'ironie de la situation: alors que normalement des gens espionnaient ce qui se passait dans une chambre close, cette femme s'enfermait et surveillait le monde extérieur.
    —    Papa lui a demandé de le rejoindre. Il voulait lui parler.
    —    Oui. Bien sûr.
    Sans un mot de plus, comme une ombre, elle quitta la pièce.
    La routine du docteur Couture se révélait prévisible : un mardi sur deux, la tournée de ses malades l'amenait à la résidence des Picard. Cette fois, un coup de téléphone avait permis à Thomas de ménager une petite rencontre avec le praticien. Après une douzaine de minutes à l'étage, celui-ci frappa doucement à la porte de la bibliothèque. Le maître des lieux l'invita à entrer.
    —    Fermez la porte derrière vous, Docteur, et venez vous asseoir en face de moi.
    Le commerçant revissa sa plume avant de la poser sur le sous-main devant lui, puis demanda d'une voix lasse :
    —    Comment va-t-elle ?
    —    je ne constate aucun changement.
    —    Elle se plaint sans cesse de son immense fatigue, ses migraines reviennent une journée sur deux...
    —    Comme elle ne mange à peu près pas, qu'elle passe de son lit à son fauteuil, puis du fauteuil à son lit, comment voulez-vous qu'il en aille autrement?
    Thomas se trouvait toujours face au même constat: son épouse paraissait malade de son comportement bizarre, de cette réclusion qu'elle s'imposait depuis si longtemps.
    Pour lui, la meilleure façon de procéder aurait été de prendre le problème à bras-le-corps et de la déposer dans le jardin ! Depuis cinq ans, le médecin lui rétorquait que la sortir de force de sa chambre ne réglerait pas vraiment la situation.
    Tout de même, il ne renonçait pas si facilement aux solutions inspirées du sens commun :
    —    Je compte aller passer quelques jours dans Charlevoix. L'emmener avec moi représente-t-il un danger pour sa santé ?
    —Je dirais que c'est tout le contraire: l'air de la mer, de longues, ou plutôt dans son cas, de petites marches près du rivage se révéleraient sans doute vivifiants.
    —    ... Je crains qu'elle refuse de venir.
    —    Ce sera certainement sa première réaction. Si elle s'y cantonne, partez sans elle.
    La réponse du docteur laissa son interlocuteur un peu songeur, tellement que celui-ci jugea bon de demander :
    —    Vous avez besoin de cette petite escapade ?
    —Je travaille de longues heures... Mais je pense surtout aux enfants. Rester prisonniers de cette grande maison ne leur vaut rien.
    —    Alors je vous le répète, partez.
    —    En la laissant toute seule ?
    Le commerçant secouait la tête, comme si une pareille désertion lui paraissait inadmissible. Pourtant, deux jours plus tôt, il se trouvait dans un bordel de la rue Saint-Laurent, à Montréal.
    —    Quand êtes-vous rentré dans sa chambre pour la dernière fois?
    —    ... Je ne sais plus exactement. La semaine dernière, avant de prendre le train pour Ottawa, si je me souviens
    bien.
    —    Vous ne comptez pas emmener Joséphine avec vous en vacances ?
    —    Non, bien sûr que non.
    Thomas tira pour lui-même sa propre conclusion : excepté des visites des enfants au cours de la journée, son épouse se satisfaisait des services de sa cuisinière. Personne d'autre ne se révélait essentiel à son confort.
    —    Mais si j'insiste pour qu'elle vienne avec nous, et qu'elle finit par accepter, je ne risque pas de nuire à sa santé ?
    —    Vous risquez plutôt d'améliorer sa condition.
    Dans les secondes qui suivirent, le commerçant tenta d'amener la conversation sur l'état de santé de son frère Alfred. Le docteur Couture se leva pour lancer d'une voix bourrue :
    —    Si vous en êtes rendu à vouloir me faire trahir le secret de ma profession, je préfère vous quitter. Bonne soirée tout de

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