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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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désirez voir monsieur Thomas.
    —    Cette sagacité vous conduira loin. Sans doute jusqu'à
    la Pointe-aux-Lièvres.
    Le jeune homme lui adressa un regard surpris, puis se leva pour frapper à la porte de son employeur. Un moment plus tard, le dos droit comme une planche, Alfred posa le bout des fesses sur la chaise en face du bureau de son frère.
    —Je suis heureux de te voir à peu près présentable, commenta celui-ci. Après de pareilles péripéties, j'espère que tu te tiendras loin de la Côte-à-Coton.
    Dans le regard du commerçant, quelque chose témoignait non seulement de son profond scepticisme à l'égard de ce récit fantaisiste, mais d'une bonne aptitude à deviner les événements réels.
    —Je tenterai d'éviter cette foutue côte à l'avenir... à tout le moins tard le soir.
    —    Surtout si tu te trouves en mauvaise compagnie.
    Alfred baissa les yeux, les releva en affichant un sourire contraint. Son frère eut le bon goût de ne pas insister. A la place, il enchaîna :
    —Je suppose que tu ne reprendras pas le travail aujourd'hui.
    —    Le docteur Couture me le défend absolument. C'est un excellent médecin. Selon lui, je devrais être déjà au lit.
    —    Alors quand ?
    —    Lundi matin.
    Thomas grimaça bien un peu, comme l'exigeait son statut de patron intraitable, mais cet échéancier lui convenait tout à fait.
    —    Le lundi suivant, soit dans dix jours, tu seras donc parfaitement rétabli. Je voudrais que tu t'occupes de la boutique pendant une semaine.
    —    Et toi ?
    —    Les enfants ont besoin de s'éloigner un peu. Je les emmène dans Charlevoix.
    Alfred sourit en songeant à leur visite de l'avant-veille, en compagnie de leur préceptrice. Eugénie l'avait regardé avec des yeux chargés de compassion, dignes d'une sœur hospitalière, alors que le garçon entreprenait de visiter la maison de feu son grand père.
    —    Ils m'ont semblé resplendissants. Edouard surtout: un moment, j'ai craint que notre douce mère le ramène à l'ordre en lui donnant de grands coups avec sa canne.
    —    Il est juste un peu agité, parfois, le défendit son père.
    —    Oh ! Le gamin se conduisait très bien, pour une personne de cinq ans. Je pense que la présence de ta charmante gouvernante dans la maison rendait maman un peu nerveuse.
    Alfred oublia un moment la douleur qui lui taraudait le dos pour retrouver son sourire habituel. Un peu excédé, Thomas revint à son sujet de préoccupation :
    —    Alors c'est convenu, tu me remplaceras ?
    —    Tu ne crains pas que je conduise ce commerce à la ruine?
    —    C'est pour une semaine.
    —    A peu près la durée de la campagne des Prussiens pour mettre la France à genoux en 1870, grommela en grimaçant le chef de rayon.
    Celui-ci s'était levé péniblement. En se dirigeant vers la porte, il continua:
    —    C'est bien à compter du 20 juillet?
    —    Permets-moi de partir le samedi et compte depuis le 18, jusqu'au 25.
    —    Tu peux te fier à moi. Et si tu entends un grand cri dans trois minutes, ce sera que ton imbécile de liftier aura
    encore arrêté son ascenseur brutalement.
    Au moment de sortir, Alfred adressa un salut de la main à son frère, sans se retourner.
    En rentrant à la maison ce soir-là, Thomas décida de monter à l'étage avant de prendre son souper. De toute façon, mieux valait régler cette question tout de suite et manger froid, plutôt que d'ajourner encore une discussion qui ne promettait pas d'être agréable.
    Comme toujours, Alice se trouvait dans son fauteuil, un livre pieux à portée de la main. Elle en possédait tout au plus une demi-douzaine, sans cesse relus avec une frénésie dévote. L'homme approcha d'elle la chaise rangée contre le mur et commença tout de suite :
    —    Dans une dizaine de jours, je pense emmener les enfants une semaine dans Charlevoix. Penses-tu être en mesure de te joindre à nous ?
    —    ... Quelle question cruelle. Tu sais bien que je ne peux pas sortir.
    —    D'après ton médecin, non seulement rien ne t'en empêche, mais il croit que cela pourrait te faire le plus grand bien.
    —    ...Je vois.
    Elle posa la tête sur le dossier de son fauteuil, ferma les yeux comme pour s'isoler du monde, en particulier de son époux.
    —    Et que vois-tu ?
    —    Vous conspirez ensemble pour me forcer à mettre ma vie en péril.
    —    Mais bien au contraire, personne ne

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