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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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docteur Couture lui adressa un sourire contraint, puis se décida à admettre :
    —    Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée pour elle, si vous arriviez à l'en convaincre.
    —    Mais son état de santé ne lui permet pas de décider pour elle.
    —    Vous songez à un conseil de famille tenu en bonne et due forme, armé d'un rapport médical, pour obtenir l'internement d'une personne. Légalement, c'est réalisable. Ne comptez pas sur moi, cependant. Bien que je comprenne que les choses ne doivent pas être faciles pour vous, je ne crois pas qu'une solution aussi extrême s'impose pour ma patiente.
    Thomas Picard demeura un moment songeur, puis se rendit aux arguments de son interlocuteur d'un mouvement de tête lassé.
    —    Quant à vous-même, je devine que la situation vous pèse, continua le médecin en se levant. Heureusement, vous avez les moyens de vous ménager une existence parallèle confortable, en dehors de ces murs.
    —    Cet exutoire, les enfants en sont privés. Pourtant ce sont eux qui souffrent le plus de la situation. Puis seriez-vous prêt à écrire cela dans une prescription ?
    —Jamais. Ce serait m'exposer à ce qu'une soutane essaie de me faire retirer mon droit d'exercer.
    Le commerçant demeura un moment songeur, puis il
    remarqua à voix basse :
    —    Dans notre petite ville, chacun surveille son voisin. Ce que vous suggérez ne passerait pas inaperçu.
    —    Puis après ? Croyez-vous que vous seriez le premier ?
    —    Il faut encore trouver. Devrais-je mettre une annonce dans le Soleil, du genre «Homme marié à une folle cherche maîtresse. Prière de vous adresser à nos bureaux», avec un numéro de référence ?
    —    Combien de femmes employez-vous dans votre magasin ? Une centaine ?
    Le médecin avait atteint la porte de la bibliothèque et s'apprêtait à sortir.
    —    Plutôt quatre-vingts, précisa son interlocuteur.
    L'autre lui adressa un sourire narquois. Un instant plus tard, Thomas verrouillait la porte de la maison dans le dos du médecin.
    Le départ des volontaires de Québec désireux d'aller écraser la rébellion de Louis Riel en Saskatchewan, en 1885, s'était montré moins complexe que celui de la famille Picard. D'abord, les efforts réunis de Thomas et de Napoléon Grosjean furent nécessaires pour descendre de la chambre au trottoir le fauteuil roulant dans lequel Alice prenait des airs de princesse indigène. Ensuite, la malade dut se tenir sur ses jambes un moment avant de se laisser déposer, littéralement, dans la voiture.
    Pendant tout ce temps, Elisabeth et les enfants observaient la scène, à la fois fascinés et inquiets. Quand le fiacre se mit en route, avec une seule passagère et toutes les valises de la famille, l'homme vint les rejoindre pour s'informer auprès des enfants:
    —    Alors, vous êtes toujours prêts à marcher jusqu'à la gare?
    —    C'est tout près, répondit Eugénie en tendant la main.
    Son père la prit dans la sienne en remarquant :
    —    Tu sais que tu es très élégante.
    Le plaisir amena le rose aux joues de la fillette. Cette petite robe bleue devait faire l'envie de toutes les personnes de son sexe âgées de moins de douze ans. Un chapeau de paille orné de fleurs et des gants de dentelles complétaient l'ensemble. Quant à Edouard, un costume de marin satisferait ses goûts vestimentaires encore quelques années. Il suivait trois pas derrière avec Elisabeth.
    Les difficultés du départ se répétèrent à l'arrivée à la gare, mais cette fois Thomas laissa les employés du chemin de fer s'agiter pour placer la malade dans son fauteuil roulant.
    L'exercice se répéta encore au moment de monter à bord du train. A la fin, le souffle court après tous ces efforts, Alice se retrouva calée dans un siège, les yeux sur le paysage qui défilait à sa droite. La voie ferrée passait tout près du fleuve. À ses côtés, Eugénie commentait le panorama magnifique, tout excitée. Des monosyllabes lui répondaient parfois.
    Quant à Edouard, il se retrouvait de l'autre côté de l'allée centrale, près de son père. Même si, pendant tout le trajet, tous les deux voyageraient du côté des terres, le plaisir des yeux serait à peine moins grand. Les villages pittoresques se succéderaient, entrecoupés de vastes étendues de champs en culture. Au moment de passer devant le grand asile de Beauport, Thomas laissa échapper un soupir de lassitude.
    La gare

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