Fausta Vaincue
de ce qui l’attend… C’est dommage : j’eusse voulu en finir dès aujourd’hui. Au fond, il vaut mieux que les choses soient ainsi : je ne suis pas libre puisque je me suis fait le féal chevalier de la belle tigresse qui me suit… mais à sa porte, bonsoir, madame ! Et au plaisir de ne plus jamais vous revoir !… C’est égal, c’est une rude lutteuse… et elle est bien belle…
En monologuant ainsi de choses et autres avec cette placidité qu’il conservait toujours vis-à-vis de lui-même, Pardaillan avait franchi la Porte et s’était mis à suivre la rue Montmartre. Au moment où il disparaissait sous la voûte, une tête pâle surgit d’entre des touffes d’un buisson, deux yeux flamboyants l’escortèrent quelques instants et, l’homme, sortant de sa retraite, demeura immobile et pensif, agité par un tressaillement de joie sauvage.
C’était Maurevert…
Il eut le même mot qu’avait eu Fausta :
– L’insensé !…
Maurevert avait accompli son voyage à Blois ; il y avait consciencieusement rempli la besogne d’espionnage que Guise lui avait confiée. Puis, une fois en possession de renseignements précis sur la garnison du château, sur les habitudes d’Henri III, sur l’appartement qu’il occupait, enfin sur la possibilité d’un coup de main à tenter contre la personne et l’entourage du roi, il avait repris le chemin de Paris de façon à se trouver le 21 octobre à midi, aux environs de la porte Montmartre.
Le retour fut pour Maurevert ce qu’avait été l’aller : un charmant voyage, sans autre préoccupation que de trouver à l’étape bon souper et bon gîte. Maurevert n’eût pas été reconnu par ses meilleurs amis. Il était gai, généreux avec les servantes, bon gentilhomme avec les hôtesses… il ne craignait plus rien au monde, n’ayant plus qu’un souci : celui d’assister au supplice de Pardaillan.
Le 20 octobre au soir, il était à Paris. Le lendemain matin, de très bonne heure, il s’apprêta, s’arma soigneusement, et quand il fut habillé revêtu de sa cotte de mailles sous le pourpoint et de sa cuirasse de cuir sur le pourpoint, quand il fut prêt, il s’aperçut qu’il avait encore quatre heures devant lui. Mais il ne tenait plus en place et, étant sorti, il gagna directement la porte Montmartre et choisit un endroit d’où il pouvait tout voir sans être vu.
S’étant assis dans l’herbe, à l’abri d’un fourré, il se ménagea une ouverture à travers les feuillages épais, et dès lors ne bougea plus, son regard fixé sur la porte. Il souriait vaguement et s’ingéniait à compter le temps qui le séparait encore de midi. Puis il combinait la scène :
Pardaillan et Charles d’Angoulême apparaissant… et lui, marchant à leur rencontre, le visage empreint d’une gravité convenable, et disant :
– Messieurs, je vous ai promis qu’aujourd’hui à midi je me trouverais ici… m’y voici ! Je vous ai promis que vous verriez aujourd’hui celle que vous cherchez… Suivez-moi et vous allez la voir !…
Et il se mettait aussitôt en marche vers l’abbaye… il y entrait… et là, que se passerait-il ? Il ne savait pas… Mais ce qu’il savait bien, c’est que Fausta avait dû préparer un traquenard où Pardaillan devait succomber. Ce qui était sûr, c’est que le chevalier détesté et son non moins détestable compagnon trouveraient Violetta morte ; ce qui était sûr enfin, c’est que l’abbaye était remplie de gens d’armes, et que Pardaillan y entrerait pour n’en plus sortir.
– Il y a un cimetière à l’abbaye, murmura-t-il à un moment.
Dans le même instant, il devint livide, fut secoué d’un grand frisson et faillit jeter un cri de terreur : trois hommes venaient de sortir de la porte Montmartre et s’élançaient vers l’abbaye !…
Il reconnut aussitôt les deux premiers : c’étaient Pardaillan et Charles d’Angoulême ; quant au troisième, il ne le connaissait pas, et c’est à peine d’ailleurs s’il le vit… il n’avait de regards que pour Pardaillan qui, déjà, disparaissait au loin, derrière la Grange-Batelière…
Maurevert demeura stupéfié par l’horreur de ce qu’il entrevoyait. Si Pardaillan se montrait à cette heure, bien avant le rendez-vous, ce n’étai pas pour le chercher ! Bien mieux : Pardaillan montait à cette abbaye où il devait le conduire !… Pardaillan était donc prévenu !… comment ?… Mais par qui ?…
– Oh ;
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