Fausta Vaincue
poing devant les fauves…
– Ainsi, reprit Fausta, si toute autre que moi se fût trouvée à ma place, vous l’eussiez défendue comme vous m’avez défendue, moi ?…
– Sans doute ! dit Pardaillan étonné. Notez, madame, que si j’avais pu hésiter, c’est surtout à vous défendre,
vous,
que j’eusse pu raisonnablement hésiter… Le temps n’est pas éloigné où vous m’avez fait faire dans une certaine nasse en treillis de fer un séjour dont j’aurais pu en somme, vous garder quelque rancune.
Fausta, pensive, baissa la tête, peut-être pour cacher la pâleur qui envahissait son visage et ses lèvres tremblantes où palpitaient des paroles qu’elle étouffait.
– Maintenant, madame, continua le chevalier, voulez-vous me permettre de vous poser à mon tour une question ?… Oui ?… La voici : pourquoi le sire de Maurevert m’avait-il donné rendez-vous aujourd’hui à midi, près de la porte Montmartre ?…
– Parce que je lui en avais donné l’ordre, dit Fausta avec un calme farouche ; parce que Maurevert devait vous amener ici à un moment où mon triomphe était assuré ; parce que, sans la trahison des miens, vous eussiez été enveloppé ici par des gens de Guise ; parce qu’enfin je devais sortir de ce couvent laissant votre cadavre près de ces deux corps…
Un frémissement agita Pardaillan. Dans son cœur se déchaîna la furieuse envie de sauter sur cette femme, de la renverser d’un coup et de lui écraser la tête comme à une vipère… Et qui sait si dans l’effroyable désespoir qui noyait son âme, Fausta n’avait pas espéré, n’avait pas voulu provoquer quelque explosion qui lui eût été mortelle !
Pendant quelques secondes, elle put croire que Pardaillan allait la tuer… Pourquoi il ne bougeait pas ?… il ne faisait pas un geste… Presque aussitôt, Fausta le vit s’apaiser. Elle vit s’évanouir cette lividité qui avait recouvert son visage ; cette figure reprit son apparence d’insouciante audace, et le bon Pardaillan se mit à rire, s’inclina, et, d’une voix exempte d’amertume, répondit :
– Je suis vraiment au regret, madame, que vos vœux n’aient pas été mieux accueillis par le Ciel. Mais laissons ces fadaises : puis-je, avant de nous quitter, vous être bon en quoi que ce soit ?
Fausta devint blême. Son orgueil souffrit plus qu’il n’avait jamais souffert. Elle fut écrasée par cette générosité simple et souriante, qui lui apparut comme un prodigieux dédain. Des larmes perlèrent à ses cils.
Vaguement ses bras se soulevèrent. Une force inconnue la poussait vers cet homme qu’elle eût voulu tuer et qu’elle adorait. Peut-être allait-elle dans un sanglot laisser éclater son amour. Peut-être allait-elle tomber à genoux, palpitante de sa défaite et du bonheur d’aimer, et crier les mots qui râlaient sur sa bouche silencieuse… Le souvenir de la cathédrale de Chartres passa comme la foudre dans son esprit… Elle entendit la réponse de Pardaillan :
– J’ai aimé… j’aime à jamais la morte… morte au monde, vivante toujours dans mon cœur ! Et vous, je ne vous aime ni jamais ne vous aimerai…
Et les paroles qu’elle criait au fond d’elle-même se figèrent sur ses lèvres blanches. Elle demeura glacée dans son attitude d’orgueil… Et la haine, avec la honte de sa défaite, une fois de plus triompha en elle !… Quoi !… Tant de dédain après ce qu’elle venait de dire !
Eh bien, donc, elle allait vraiment disposer de lui !… Puisqu’il la sauvait, l’insensé, elle en profiterait pour le tuer, comme la bête fauve qu’épargne le chasseur, et qui d’un coup de sa griffe puissante, lui ouvre le crâne !… Sa vie, peu à peu, se trouvait circonscrite à ce duel… Pardaillan tuerait Fausta, ou Fausta tuerait Pardaillan !…
– Monsieur de Pardaillan, dit-elle avec un sourire, j’aurais en effet, un dernier service à vous demander : je crains que le départ des gens de Sixte ne soit un piège… Sous la garde de votre épée, je ne redouterais pas une armée. Mais peut-être ne voudriez-vous pas m’accompagner jusque dans Paris ?…
Pardaillan comprit-il le sens du sourire livide qui jetait à ce moment un funeste reflet sur la physionomie de Fausta ?… Son âme se haussa-t-elle jusqu’à braver la mortelle menace qu’il devinait peut-être ?… Les yeux dans les yeux de Fausta, il répondit :
– Pourquoi non, madame ? Puisque vous me
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