Fausta Vaincue
jour des Barricades ?…
– Je vous comprends encore, madame ! J’ai servi le duc de Guise. Je l’ai servi avec ardeur et fidélité. J’ai fait pour la réussite de ses projets autant que je fis jadis pour la réussite des vôtres. Depuis le jour des Barricades, je suis donc un ennemi du roi votre fils et de vous-même. Est-ce bien là ce qu’a voulu dire Votre Majesté ?…
– Mais avant, monsieur de Maurevert, depuis une dizaine d’années, qu’êtes-vous devenu ?…
– Je vous comprends encore, madame. Depuis une dizaine d’années, je suis l’un des plus actifs propagateurs de la Ligue. Je suis donc un des plus fermes soutiens des prétentions des Lorrains. Et si par hasard le roi se décidait à faire couper le cou à M. de Guise, il est sûr que je serais, moi, à tout le moins pendu. C’est bien là la pensée de Votre Majesté ?
– Je vois, monsieur de Maurevert, que vous êtes toujours très intelligent, dit la reine avec un sourire mortel. Mais enfin, je suppose que ce n’est pas pour me prouver votre intelligence que vous m’êtes venu trouver ?…
– Non, madame, car je savais que mon intelligence était depuis longtemps connue de Votre Majesté…
– Que voulez-vous donc ? Parlez. Je ne vous recommande pas la hardiesse, car vous me semblez ce soir étrangement hardi. Au moins puis-je vous ordonner la franchise…
– J’attendais cet ordre de Votre Majesté, dit Maurevert. Voici donc, madame, ce que je suis venu vous dire. Lorsque nous exterminâmes les huguenots, lorsque pour vous, pour vous seule, je risquai mon sang, ma vie, non pas une fois, mais dix fois, sans compter, Votre Majesté m’a fait certaines promesses… J’en ai attendu l’exécution pendant six ans. Un jour je me mis sur votre passage, et votre regard me fit comprendre que j’étais oublié… J’ai tenu à vous dire, madame, pourquoi je me suis jeté dans le parti de la Ligue, pourquoi j’ai tout fait pour soutenir les prétentions avouées ou secrètes de M. de Guise, pourquoi enfin je suis devenu un ennemi de la fortune des Valois…
– Vraiment, monsieur, vous avez tenu à me dire cela ? gronda Catherine.
– Oui, madame, fit Maurevert avec calme. Et maintenant que je me suis soulagé, Votre Majesté peut appeler son capitaine des gardes et me faire arrêter… Mais vous saurez que si je vous ai trahie, c’est que vous m’avez trompé, vous ! Que si je vous ai fait du mal, plus de mal que vous ne croyez, c’est que vous avez oublié, vous ! de payer le fidèle et loyal serviteur que je fus jadis…
– Ah ! vipère ! murmura sourdement la reine. Il faut bien que votre Guise soit redoutable pour que vous osiez parler ainsi à votre reine ! Il faut bien que vous lui ayez rendu de rudes services pour être aussi sûr qu’il vous délivrera si je vous fais arrêter… Je ne vous fais donc pas arrêter… mais je vous chasse ! Vous parlez comme un laquais ; je vous traite comme un laquais… sortez !…
La vieille reine, livide de se voir si faible après avoir été si puissante, eut cependant un de ces gestes de majestueuse dignité comme elle en avait autrefois. Mais Maurevert, après avoir fait un profond salut, demeura à sa place.
– Eh quoi, monsieur ! gronda la reine avec un éclat de voix qui devait sûrement attirer du monde, n’avez-vous pas entendu que je vous chasse ?… Faut-il appeler nos gens pour vous bâtonner ?…
A ce moment une voix à la fois grave, humble et caressante se fit entendre :
– Madame et reine vénérée, pardonnez-moi si j’ose m’interposer entre votre auguste colère et ce gentilhomme. Restez, monsieur de Maurevert. La reine vous y autorise…
C’était Ruggieri ! Il avait tout vu et tout entendu de son cabinet… Il fit un signe rapide à Catherine de Médicis. Et la reine, changeant de ton et de visage avec cette admirable facilité qui prouvait combien toujours elle était maîtresse de ses passions, prononça :
– Monsieur de Maurevert, je vous pardonne ce que votre attitude et vos paroles ont pu avoir d’étrange…
Maurevert mit un genou à terre et dit :
– Je crois maintenant que je puis dire à la reine tout ce que j’étais venu lui dire.
Et il se releva. La reine étonnée, hésitante, comprenant à l’attitude de l’astrologue qu’elle se trouvait en présence d’un mystère, reprit avec un charmant sourire :
– Vous avez donc encore quelque chose sur le cœur, mon cher monsieur de
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