Fausta Vaincue
un être d’amour et de beauté. Quant à ce qu’elle éprouve pour moi, bientôt elle aura oublié… Florence !… J’irai, certes, mais pour achever la guérison de ce cœur. Entre elle et moi, une belle amitié peut remplacer la haine… c’est tout ! Mais j’aurai sauvé une femme digne de l’être… tiens ! j’ai bien sauvé jadis mon chien Pipeau qu’on voulait noyer ! »
Cette pensée amena un sourire sur son visage et éclaira ses yeux. Ce fut à cet instant que Maineville lui posa la main sur l’épaule.
– Bonjour, monsieur de Pardaillan, fit Maineville.
– Mes saluts à mon ancien prisonnier, ajouta Bussi-Leclerc.
– Messieurs, je vous salue, dit Pardaillan, que puis-je pour votre service ?
– Nous accorder cinq minutes d’entretien, fit Bussi-Leclerc.
– Ah ! ah !…
– Mon Dieu, oui, mais pas ici ! ajouta vivement Maineville.
– Et où cela, Messieurs ?…
– A Blois, où on vous cherche pour acte de rébellion, dit Bussi-Leclerc. Suivez-nous, monsieur vous êtes notre prisonnier.
– Décidément, il y a du sbire en vous, dit tranquillement le chevalier. Tantôt vous êtes geôlier en chef, tantôt vous devenez pourvoyeur de bourreau. Mes compliments.
– Allons, suivez-nous ! reprit Bussi en grinçant des dents. Cette fois, mon brave, nous vous tenons !
– Messieurs, dit Pardaillan, je veux bien vous suivre, mais non à Blois. Ce sera plutôt dans la direction de ce joli moulin dont on voit d’ici tourner les ailes et qui ressemble si bien au moulin de la butte Saint-Roch.
Maineville eut un pâle sourire plein de menaces, et Bussi-Leclerc se mit à sacrer comme un païen.
– Décidez-vous, messieurs, continua Pardaillan. Allons-nous au moulin ? Je vous suis. Voulez-vous aller à Blois ? Je vous tire ma révérence, car je suis pressé.
– Par le mortbœuf, grogna Bussi-Leclerc, si vous ne nous suivez, je vais vous charger !
– Faites, monsieur, riposta Pardaillan qui, dans le même moment, tira sa rapière et tomba en garde.
Bussi-Leclerc dégaina et Maineville en fit autant. Tous deux attaquèrent furieusement, sans nulle honte, d’ailleurs, d’être à deux contre un. Mais à peine les fers s’étaient-ils froissés que Bussi jeta un cri de rage : pour la troisième fois, depuis ses diverses rencontres avec Pardaillan, son épée venait de lui sauter de la main et, décrivant une large parabole, allait tomber dans un fossé.
– Ton poignard, Bussi ! cria Maineville.
Mais l’ancien gouverneur de la Bastille, ivre de fureur et blême de honte, n’entendait rien et courait ramasser son épée. En deux secondes, il l’eut reprise, au fond du fossé, se releva et bondit : à ce moment, il vit Maineville qui battait l’air de ses bras et s’affaissait lourdement, vomissant un flot de sang par la bouche. Un instant, il se tordit, frappa le sol du talon, laboura la poussière de ses ongles, puis il demeura immobile : Maineville était mort…
Bussi-Leclerc demeura quelques secondes hébété de stupeur. Puis, avec une sorte de sanglot terrible, il se rua sur Pardaillan qui l’attendait de pied ferme.
– Cette fois, dit Pardaillan, j’envoie votre épée dans la Loire…
Et, en effet, il achevait à peine de parler que le fer de Bussi sauta et alla tomber, non pas dans l’eau, mais sur le sable du rivage.
– Ramassez ! dit Pardaillan.
Bussi-Leclerc s’assit au rebord du fossé, mit sa tête dans ses deux mains et pleura. Pardaillan rengaina sa rapière.
– Excusez-moi, monsieur, dit-il, mais à chacune de nos rencontres vous avez voulu me tuer ; moi je n’ai fait qu’exercer vos jambes, avouez que j’en use sans haine avec vous, et pardonnez-moi d’être plus agile que vous… ce n’est pas ma faute… allons, ne pleurez pas ainsi, le seul témoin de votre défaite est mort.
– Je suis déshonoré ! gronda Bussi-Leclerc à travers ses larmes.
– Si vous voulez que nous recommencions, peut-être serez-vous plus heureux, dit Pardaillan dans la sincérité de son âme.
Bussi lui jeta un regard furieux.
– Adieu, donc ! acheva Pardaillan. Je ne vous en veux pas. J’ai sept ou huit manières de faire sauter une épée. Si vous voulez, je vous les enseignerai, et alors nous serons à armes égales pour une prochaine rencontre…
– Dites-vous vrai ? s’écria Bussi qui se releva, haletant, vaincu peut-être par la générosité de son adversaire.
– Monsieur, dit Pardaillan, croyez que
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