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Fausta Vaincue

Titel: Fausta Vaincue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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être… cet homme ?…
    – Cet homme, madame ! S’il m’ordonnait de tourner contre moi-même l’arme qui doit frapper Valois, je mourrais à l’instant ! Cet homme, c’est le seul qui puisse disposer de ma volonté et de ma vie… car lorsque ma mère misérable, méprisée, douloureuse, souffrait la plus effroyable agonie, cet homme est le seul qui ait eu pitié de ma mère !…
    – Votre mère ? dit la duchesse étonnée. N’est-elle donc pas vivante et heureuse, retirée à Soissons où vous êtes né ?…
    Jacques Clément sourit.
    – La femme de Soissons n’est pas ma mère, dit-il. Peut-être m’a-t-elle élevé… encore n’est-ce pas bien sûr… Ma mère est morte, madame. Et comme je vous l’ai dit, elle a souffert affreusement, et si elle a eu quelques heures de répit dans sa misérable existence, elle les a dues à l’homme que Dieu a interposé entre Valois et moi…
    – Pardaillan ! s’écria Marie de Montpensier avec une soudaine inspiration.
    – Je n’ai pas dit que ce fût lui ! fit sourdement Jacques Clément. Seulement, écoutez bien, madame : l’homme dont je parle a étendu sa main sur le roi de France, et dès lors le roi m’est sacré… Mais bientôt, dans quelques jours peut-être, cette main se retirera, cette protection s’effacera… et alors, je le jure sur Dieu qui me juge, sur ma mère à qui j’ai parlé là-bas dans le cimetière des Innocents, sur votre tête à vous qui êtes la source de mon bonheur, ce jour-là, le roi de France mourra de ma main !…
    – Je vous crois, fit Marie frissonnante, je vous crois…
    Et comme si, dès lors, elle n’eût eu plus rien à dire, elle se leva vivement, fit un geste gracieux et disparut, pareille à un sylphe.
    Jacques Clément demeura seul, en proie à un trouble inexprimable. Jamais il n’avait éprouvé pareille angoisse de douceur et de passion. Il avait la tête perdue, et c’est en vain que se mettant à genoux, il commença à réciter les prières recommandées comme souveraines pour chasser le démon de la chair…
    La journée se passa sans que la duchesse reparût. Il avait essayé de sortir, mais il avait trouvé les portes fermées. Il n’en ressentit d’ailleurs ni crainte ni contrariété. Peu à peu il reprit son sang-froid, n’ayant plus qu’une inquiétude : celle de retrouver le poignard sacré qui lui avait été confié par l’ange dans la chapelle des Jacobins…
    Vers le soir, il se sentit quelque appétit, ce qui était bien naturel après le jeûne prolongé qu’il avait subi. La table était encore là, offrant en vins et en mets des restes que Pardaillan eût jugés fort estimables. Jacques Clément dîna donc tout seul, puis n’ayant rien de mieux à faire, se mit au lit. La nuit vint, assombrit la chambre et la remplit enfin de ses ténèbres.
    Longtemps l’esprit de Jacques Clément erra au seuil des rêves. Il repassait les derniers événements qui l’avaient si violemment frappé… la fuite de Chartres, son entrée au cachot de pénitence, les tortures de la faim et de la soif, puis ce réveil dans la chambre même de celle qu’il aimait… le dîner en tête à tête… Où était le songe ? Où était la réalité dans tout cela ?
    Peu à peu ces pensées diverses se fondirent, ces visions fusionnèrent ; puis il n’eut plus conscience du monde vivant, et il tomba dans un profond sommeil… Rêve peut-être ?… Chimère !… Il lui sembla tout à coup qu’une étrange sensation le réveillait… dans le lit, près de lui, se glissait une femme qui l’enlaçait de ses bras… il sentait, il reconnaissait son parfum préféré !… et soudain, il eut sur les lèvres l’impression violente et douce à en mourir d’un baiser d’amour…
    Alors, il entrouvrit les yeux… Une pâle lumière voilée comme celle d’une veilleuse était éparse dans la chambre et indiquait mollement les contours des meubles… et à cette lumière, il reconnut les yeux rieurs et malicieux de Marie de Montpensier.
    Il voulut balbutier quelques mots : elle étouffa ses paroles sous ses baisers… Une immense griserie monta au cerveau de Jacques Clément ; un souffle ardent et encore inconnu de lui, le souffle vivant et puissant qui palpite dans tous les êtres, depuis la fleur jusqu’à l’homme, l’emporta sur ses ailes.
    Lorsqu’il redescendit sur terre, lorsque, éperdu, il parvint à rassembler ses idées, il portait au cœur un souvenir impérissable, et

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