Fausta Vaincue
proscrite…
– Oui, oui, hélas !… Combien des nôtres sont morts !… Combien d’autres ont subi d’effrayants supplices !…
– Eh bien !, imaginez maintenant la haine qui devait entourer le procureur Fourcaud et votre fille Jeanne !…
– La même haine qui nous entourait !…
– C’est vrai. Fourcaud a donc été dénoncé comme hérétique, et jeté dans une prison où il est mort…
– Dénoncé !… Oh ! si je connaissais le dénonciateur !… J’irais lui arracher le cœur.
– Je sais par qui cet homme de bien a été dénoncé, dit alors lentement Fausta. Ce ne fut pas par un homme, mais par une femme… une jeune fille…
– C’est atroce ! Comment une jeune fille a-t-elle pu avoir le courage de livrer ce malheureux à la mort, et peut-être à quelque horrible supplice…
– Oui… vous avez raison… c’est atroce… car le pauvre Fourcaud fut réellement supplicié… on l’attacha sur une croix… et on l’y laissa mourir…
– Affreux ! Affreux ! murmura Saïzuma frémissante. Cette jeune fille si méchante mériterait le même supplice !…
– N’est-ce pas ? dit Fausta en tressaillant.
– Et vous dites que vous la connaissez ? haleta la bohémienne.
– Certes !… C’est elle-même une hérétique, une de ces filles sans feu ni lieu… une sorte de chanteuse qui suivait une troupe de bohèmes… son nom est Violetta…
– Violetta !…
– Oui ! Pourquoi ce nom vous surprend-il ?…
– Vous dites que c’est cette Violetta qui a dénoncé le malheureux Fourcaud ?…
– J’en suis sûre !…
– Et c’est elle qui l’a fait mourir sur une croix ?…
– C’est elle !… Mais il semble que ce nom de Violetta ne vous soit pas inconnu ?…
– Je la connais en effet, dit Saïzuma d’une voix sombre. J’ai vécu avec elle. Car moi-même je suivais cette troupe de bohèmes. Elle chantait. J’aimais à l’entendre chanter, pendant que je disais la bonne aventure. Sa voix m’allait au cœur. Quelquefois, quand je la regardais, j’avais envie de la serrer dans mes bras… mais elle semblait avoir peur de moi…
– Ou plutôt, c’était une créature perverse, dit sourdement Fausta. Une de ces filles qui n’ont pitié de rien ni de personne, puisqu’elle n’avait pas pitié de votre malheur…
– C’est vrai, dit Saïzuma avec un soupir, il fallait que ce fût une créature bien perverse pour dénoncer et livrer le bienfaiteur de ma fille… Tenez, madame, ne parlons plus d’elle !…
– Elle mérite pourtant un châtiment !…
– Oui ! oh ! un châtiment terrible !…
– Vous le disiez ; elle mérite de mourir sur une croix comme le malheureux Fourcaud, puisqu’elle a causé le malheur de votre fille Jeanne !…
– Malheur à cette fille du démon si mon enfant a souffert par elle !
– Certes elle a souffert, puisqu’elle-même a été en prison !… Elle vous le dira…
– Elle me le dira ! murmura la bohémienne extasiée. Je la verrai donc ?
– Je vous l’ai promis…
– Quand ?… Ah ! madame… si cela était !… Si je pouvais seulement savoir le jour…
– Dès demain, dit Fausta, si c’est possible. Certainement d’ici quelques jours…
– Vous dites certainement… Oh ! prenez garde de me rendre folle… folle de joie !…
– Je vous jure que vous reverrez aussi la Violetta maudite… Seulement, il faut faire ce que je vous dirai…
– Tout ce qu’on voudra ! s’écria Saïzuma avec exaltation.
– Il est nécessaire que pendant ces quelques jours, tandis que j’irai chercher votre Jeanne pour l’amener… il est nécessaire qu’on ne vous voie pas… vous comprenez ?…
– Je resterai cachée !…
– Mais où ?
Saïzuma sourit.
– Là, sur le haut de la montagne, je connais des braves gens qui me donnent à manger quand j’ai faim, à boire quand j’ai soif, et qui me laissent dormir la nuit chez eux… C’est là que je me retirerai… j’y serai bien cachée, et nul ne me verra…
– Et c’est là que je vous amènerai votre fille Jeanne !
– Venez donc ! dit Saïzuma radieuse, transfigurée, venez que je vous montre la demeure de ces gens…
La bohémienne s’élança, repassa par la brèche, fit le tour des murs du couvent et arriva enfin à la chaumière où Fausta était entrée tout à l’heure…
« Maintenant, gronda Fausta en elle-même, je crois que Dieu même ne pourrait pas les
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