Favorites et dames de coeur
avait prudemment pris le large. Le pardon de François I er intervint à l’occasion de la naissance d’une fille du dauphin (2 avril 1546) et de la signature de la paix d’Ardres avec l’Angleterre (7 juin).
Malade chronique depuis des années, François I er se retira à Rambouillet fin mars 1547 et fit ses ultimes recommandations à Henri. Le maintien du royaume intact et le devoir de rendre la justice primaient toute autre considération mais, inquiet du sort de la reine Éléonore et surtout de la duchesse d’Étampes, il enjoignit à son fils de les traiter selon leur rang. Il lui conseilla enfin de ne pas soumettre le pouvoir à la volonté d’une femme comme il l’avait trop souvent fait lui-même. Il mourut le 31 mars et Anne de Pisseleu se trouva au désespoir, plus par peur de l’avenir que par chagrin réel. Le nouveau roi Henri II voulut toutefois respecter le vœu de son père et offrit à la duchesse d’Étampes de rester à la cour. Se méfiant de Diane de Poitiers, Anne déclina la proposition et se retira en son domaine de Limours.
La disgrâce et l’oubli
Quelques semaines suffirent à Henri II pour oublier ses bonnes intentions : les hommes élevés par la faveur d’Anne de Pisseleu furent révoqués, parfois emprisonnés, et remplacés par des créatures de Diane de Poitiers. Même Jean de Brosse, le complaisant mari, aboyait avec les chacals, l’ingrat ! Oubliant ce qu’il devait à sa femme, il la relégua au château de La Hardouinaye, où il la fit surveiller. En juin 1556, il lui intenta un procès qui raviva les passions : reniée par ses anciens « amis » ainsi que par des proches, dont une sœur, Anne, écœurée par ces bassesses, vint à souhaiter le trépas de Jean de Brosse, responsable de ces poursuites. L’étalage de son adultère avec le feu roi provoqua un tel scandale qu’Henri II arrêta net le déroulement du procès. Jean de Brosse mourut en 1565, avec la réputation d’un bon serviteur de l’État, intègre et courageux, en dépit des lâchetés morales dont il avait fait preuve neuf ans plus tôt Anne de Pisseleu rendit ses bijoux, propriété de la Couronne. Une part de ses biens fut confisquée et donnée à Diane de Poitiers, mais elle conserva la plus grande partie. Ce n’était pas par pitié soudaine de son ennemie, qui lui aurait volontiers fait rendre gorge, mais la crainte qu’eut Diane de créer un précédent dont elle-même pourrait souffrir un jour. La duchesse d’Étampes sombra dans l’oubli général ; elle se signala une dernière fois durant les guerres de religion, lorsqu’elle hébergea une conférence de chefs calvinistes rebelles en son château de Challuau (1576). Elle avait toujours témoigné quelque sympathie à l’égard de la religion réformée, mais il ne sembla pas qu’elle s’y convertît.
Décédée au début de septembre 1580, Anne de Pisseleu fut sans doute inhumée à Heilly. Le lieu de sa sépulture demeure inconnu.
Femme redoutable par sa beauté et son intelligence souvent perverse, Anne de Pisseleu incarna l’image de la favorite « politique » et sans cœur. Mais son oubli fut aussi spectaculaire et rapide que son ascension.
DIANE DE POITIERS
« Belle à la voir, honnête à la hanter » (François I er )
Née le 9 janvier 1500 à Saint-Vallier 33 . Troisième enfant de Jean de Saint-Vallier et de Jeanne de Batarnay. Mariée le 30 mars 1515 à Paris à Louis de Brézé (1459-1531), elle en eut Françoise (1518) et Louise (1521).
Dauphinoise et non Poitevine
Contrairement à une opinion répandue, Diane n’était pas originaire du Poitou : son nom « Poitiers » dérive de Peytiers, ancien Castrum Pictavis, repaire fortifié de la région de Mirabel en Dauphiné. D’excellente noblesse, ses grands-parents furent amis de Louis XI. Ses parents possédaient de nombreux domaines jusqu’en Calabre ; ils bénéficièrent de l’appui des Beaujeu, puis de Louis XII et des Bourbon-Montpensier, cousins du roi.
Ces derniers négocièrent son mariage avec Louis de Brézé, sénéchal de Normandie, âgé de cinquante-six ans, apparenté à la famille royale, veuf et sans enfant. Petit-fils d’Agnès Sorel et de Charles VII, neveu de Louis XI, il était petit-cousin du jeune François I er , qui assista à la cérémonie. Malgré leur grande différence d’âge, Louis et Diane formèrent un couple heureux. Le mari se montra attentionné, sans imaginer qu’après sa mort, sa
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