Favorites et dames de coeur
« Madame la Grand’sénéchale ». Celle-ci se vengea des pamphlets et clama à la cantonade que sa rivale trahissait la France à qui mieux mieux. Alors que la réforme luthérienne divisait les esprits, Anne conseillait la tolérance confessionnelle tandis que Diane, fervente catholique, préconisait la fermeté face à une hérésie qui menaçait l’unité religieuse du royaume.
La guerre contre Charles Quint
La mort du duc de Milan Francesco Sforza, allié de François I er , poussa le roi à revendiquer le duché pour son fils Henri (novembre 1535). Il s’empara alors de la Savoie et du Piémont, bases indispensables pour la reconquête du Milanais (janvier 1536). Furieux, Charles Quint reprit le Piémont et envahit la France avec trois armées, toutefois sans succès (juin-septembre). Il évacua même le Piémont devant le retour offensif des Français de Montmorency (1537). Une trêve générale intervint l’année suivante mais l’empereur éluda la question du Milanais, chère au roi. Nommé connétable par François I er , Montmorency lui conseilla de se rapprocher de Charles Quint, croyant à une possible alliance. L’empereur séjourna même deux mois en France (1539-1540). Le roi espérait un geste, il fut servi : Charles Quint le roula en octobre 1540, lorsqu’il investit son héritier Philippe 30 , duc de Milan.
Ces aléas de politique étrangère rejaillirent alors fâcheusement sur les affaires intérieures et les disputes des clans tournèrent au règlement de comptes. Proche du dauphin, Montmorency voulut se maintenir au pouvoir après son échec, et accusa de concussion l’amiral de Chabot. Cet ami intime d’Anne de Pisseleu fut jugé, absous mais disgracié (1541). Anne, qui obtint son rappel un an plus tard, se vengea de Montmorency qu’elle perdit dans l’esprit du roi. La disgrâce du connétable fut totale. Anne de Pisseleu marqua encore des points contre Diane de Poitiers : partisan du dauphin, le chancelier Guillaume Poyet fut arrêté et condamné pour malversations (1542) ; Chabot mort fut remplacé au Conseil par le maréchal d’Annebaut, brave, intègre, mais incompétent notoire : à la cour, on le surnommait « Âne-Bœuf ». Bien qu’il n’eut pas inventé l’eau chaude, il devait sa promotion à quelques services autrefois rendus à la duchesse d’Étampes.
Celle-ci écartait des dames de la cour ou des officiers royaux coupables seulement de lui avoir déplu, tel Blaise de Montluc, qui l’évoqua ainsi : « Le roi devrait clore la bouche aux femmes qui se mêlent de parler en la cour ; de là viennent […] toutes les calomnies. »
Mme d’Étampes a-t-elle trahi la France ?
La reprise des hostilités contre l’Espagne se solda par des combats indécis où le dauphin Henri ne brilla guère ; peut-être conseillé par sa favorite, son père lui retira son commandement (1542). L’année suivante n’apporta pas d’action décisive. En 1544, les Français remportèrent au Piémont la brillante victoire de Cérisoles, mais la France fut envahie au nord par les Anglais, qui prirent Boulogne-sur-Mer, et au nord-est par les Impériaux, qui assiégèrent Saint-Dizier (juin-août). Cette ville résista vaillamment jusqu’au jour où son gouverneur reçut un message chiffré du duc de Guise 31 lui enjoignant de capituler. Il obéit et, à la grande surprise du roi, la place tomba aux mains des Impériaux. On apprit plus tard que le message était un faux. Une rumeur courut dans le peuple, qui parla d’une « félonie » de la duchesse d’Étampes.
Celle-ci connaissait le détail des opérations militaires dont, peut-être imprudemment, le roi lui avait confié le secret. Deux choses paraissent aujourd’hui certaines : Charles Quint savait par un informateur anonyme tout ce qui se tramait au Conseil du roi ; et, au cours de l’été 1544, Granvelle, garde des Sceaux de l’empereur, reçut d’un mystérieux correspondant la clé du chiffre utilisé par l’armée française : fabriquer un faux ordre de capitulation fut un jeu d’enfant pour les services de renseignements impériaux. Mais on ignore qui les avait ainsi informés. Le peuple, qui aimait les explications simplistes, et Diane de Poitiers, qui voulait se venger des calomnies de sa rivale, accusèrent la duchesse d’Étampes de la trahison ; mais personne ne put jamais le prouver. Anne de Pisseleu avait certes tout à craindre du décès de François I er , puisque
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