Favorites et dames de coeur
d’hermine.
Duchesse d’Étampes
Soucieux d’assurer la réputation de la jolie compagne de ses nuits, François I er lui donna un époux honorable, Jean de Brosse, comte de Penthièvre. Celui-ci, qui voulait récupérer des terres confisquées à son père pour trahison, joua complaisamment le rôle que le roi attendait de lui. C’est assez de dire qu’il dormit souvent seul.
Ce cocuage valut de substantielles gratifications au couple : il trouva d’abord dans sa corbeille de mariage la coquette somme de 72 000 livres, le gouvernement du Bourbonnais et la restitution des biens familiaux au mari (effective en 1535). C’était un bon début. Puis le ménage reçut le comté d’Étampes (23 juin 1534), érigé en duché peu après (1537). Jean de Brosse obtint le gouvernement de l’Auvergne (1536), puis, par une ironie du sort, celui de la Bretagne, rendu vacant par le décès de Jean de Laval, veuf de Françoise de Foix (1543). Femme de tête, Anne jugea son mari incapable d’administrer tous ces biens et les fit fructifier avec l’aide d’un de ses conseillers, Nicolas Bossut de Longueval. Ce dernier en retira des bénéfices financiers, et peut-être d’autres gratifications moins austères, car la duchesse d’Étampes était volage à l’occasion. On lui prêta ainsi maintes aventures avec divers amants susceptibles de lui rendre service : l’amiral Chabot de Brion, le poète Clément Marot, les comtes de Dampierre et de La Mirandole, le capitaine des gardes Christian de Nançay. Concernant ce dernier, le roi en personne l’aurait surpris en galante posture avec sa favorite : il feignit de ne pas reconnaître cette dernière et, sous les yeux égrillards des gardes, expédia leur sémillant capitaine méditer au cachot sur l’inconvénient de séduire les jolies femmes de l’entourage royal. Les autres bénéficiaires des charmes de la belle Anne conservèrent habilement l’anonymat mais, vraies ou fausses, ces liaisons prouvent le peu d’attachement de la duchesse à l’égard de François I er . Toujours rapace au demeurant : mue par l’intérêt, elle aurait plusieurs fois confisqué le salaire de son mari ! Le roi intervint même contre Jean de Brosse à sa demande, et lui commanda de satisfaire tous les désirs de sa femme.
Bataille de dames au sommet
La reine mère mourut en 1531 et Anne se crut hors d’atteinte, puisque le roi l’avait nommée gouvernante de ses deux filles. Elle se trompait : une ennemie implacable se manifesta bientôt ; belle, digne, élégante, veuve du grand sénéchal de Normandie et dame d’honneur de la nouvelle reine Éléonore, elle s’appelait Diane de Brézé 29 . François I er l’estimait beaucoup et lui savait gré de l’affection qu’elle avait apporté aux enfants royaux après le décès de leur mère, la reine Claude, en 1524.
La rivalité débuta quand Diane reçut l’appui du jeune duc d’Orléans Henri, second fils du roi ; l’adolescent s’éprit d’abord platoniquement de cette femme qui aurait pu être sa mère. L’animosité d’Anne envers Diane de Poitiers prit un tour politique lorsque mourut le dauphin François, Henri devenant alors l’héritier du trône (août 1536). Forte de ce soutien, Diane s’opposa à la duchesse d’Étampes ; les entourages respectifs épousèrent leur querelle et formèrent deux partis antagonistes ; cette coterie de cour eut de sérieuses répercussions politiques, car l’ascendant pris par Anne sur le roi braqua le dauphin contre son père : Henri s’opposa souvent aux décisions paternelles, provoquant de graves disputes au sein de la famille royale jusqu’à la fin du règne. Mais si François I er laissa parfois sa favorite décider de questions secondaires à sa place, jamais elle ne siégea au Conseil, contrairement à ce qui a souvent été prétendu. En dépit d’une santé qui déclinait avec l’âge, le roi conserva toujours son autorité.
En 1537, la duchesse d’Étampes paya le poète Jean Voulté pour dénigrer Diane dans ses Hendécasyllabes : une satire rédigée en latin, Contre la Poitiers, vieillarde de cour , assurait qu’elle avait le visage fardé, portait perruque et arborait de fausses dents ! Anne de Pisseleu en profita pour se rajeunir, insinuant qu’elle était née le jour du mariage de Diane, alors que celle-ci n’avait que huit ans de plus que son ennemie ! Protégé de la duchesse d’Étampes, Clément Marot fit chorus et railla
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