FBI
des Noirs était due au racisme de J. Edgar Hoover. Certains historiens ont cru trouver une explication en prêtant à Hoover d’incertaines origines métisses. Mais l’explication est plutôt à chercher du côté du conformisme du directeur du Bureau. Quand on lui demande si Hoover était raciste, Cartha DeLoach répond, indigné, que certaines des relations de Hoover étaient noires, et il énumère la liste des agents de couleur qui travaillaient pour le Bureau au début des années 1960. Elle est plutôt courte. Dans ses mémoires, William C. Sullivan, directeur de la section « Domestic Intelligence », raconte comment le Directeur s’est joué des représentants de l’ACLU (American Civil Liberties Union) venus compter le nombre des employés noirs du « Siège du Gouvernement ». « À l’époque, sur les 4 000 employés du FBI qui travaillaient sur trois étages, il n’y avait que huit jeunes femmes noires, qui travaillaient toutes au premier. » Guidés par Cartha DeLoach, les représentants de l’ACLU notent leur présence, avant de poursuivre leur visite. « Au moment où les hommes de l’ACLU s’apprêtent à gagner le deuxième étage, DeLoach s’arrange pour que les filles gagnent cet étage par les escaliers. » Même chose pour la visite du troisième et dernier étage. Selon William C. Sullivan, les envoyés de l’ACLU n’ont pas remarqué qu’ils voyaient tout le temps les mêmes employées.
Au début des années 1960, la revue Ebony , mensuel féminin de la communauté noire, consacre un long article au FBI, comparé à un « lys blanc » en raison du peu de Noirs qui y travaillent. « Sensible à cette mauvaise publicité, relate William Sullivan, Hoover décide de convaincre la rédaction d’ Ebony qu’elle a tort. La chose la plus sensée eût été de changer de politique d’embauche du personnel, mais Hoover ne tenait pas à changer de politique, il voulait seulement changer d’image. » Le directeur du FBI invite donc le propriétaire d’ Ebony et lui présente son Noir. Il s’appelle Sam Noisette et a le titre d’Agent spécial.
Sam Noisette est une sorte de majordome dont la fonction consiste à introduire les visiteurs dans le bureau de J. Edgar Hoover – travail qui, à en croire William C. Sullivan, est loin d’être de tout repos. Le malheureux Noisette doit composer avec les sautes d’humeur du Directeur. Il lui arrive souvent d’être « exilé » dans les sous-sols du FBI où, en guise de punition, il doit travailler à l’intendance du bureau. Sullivan a le cœur serré chaque fois qu’il croise Noisette portant alors une blouse grise qui tranche avec la recherche de sa mise quand il officie dans l’antichambre du Directeur. « Hoover était presque aussi maniaque de la propreté que Howard Hughes », souligne William C. Sullivan. Il avait horreur des mouches, et l’une des missions de Sam Noisette consistait à les tuer à l’aide d’une tapette. Souvent, le Directeur appelait son majordome pour lui signaler un diptère d’un air sévère et dégoûté. Quand Noisette ratait son coup, Hoover s’énervait et, si par malheur l’insecte volait jusqu’à lui, il lui arrivait de hurler. Le malheureux Noisette devait parfois tuer l’insecte sur la personne de son directeur. « Quand ça arrive, je me fais du souci, confia Sam Noisette à William Sullivan. Il me vient à l’esprit des visions de blouse grise et de sous-sol. »
À ses heures perdues, Sam Noisette peint des scènes bucoliques qu’il expose dans une galerie de Washington. Les principaux responsables du Bureau sont tenus de s’y rendre. Et malheur aux tire-au-flanc : « Ils seront traités avec sévérité ! » tonne le Directeur, faisant preuve d’un paternalisme que n’aurait pas désavoué le propriétaire de l’Oncle Tom. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que J. Edgar Hoover ne voie pas la nécessité d’embaucher davantage d’agents noirs. De même ne comprend-il qu’avec retard la nécessité d’intervenir dans le Sud où les militants des droits civiques sont harcelés par le Ku Klux Klan et autres ségrégationnistes de tout poil. « Nous sommes des enquêteurs, pas des policiers. Nous ne sommes pas là pour protéger les militants des droits civiques », aimait à répéter Hoover. Mais la fièvre monte dans le Sud, surtout dans l’État du Mississippi, et le FBI ne pourra longtemps rester à l’écart de l’incendie qui
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