FBI
de trente ans, une organisation assure la loi, l’ordre et le développement de la région. Ici, tout le monde coopère avec elle et uniquement avec elle. « Le problème, dit Neil Welch, c’est qu’en 1966 cette organisation n’était pas dirigée par J. Edgar Hoover, mais par Don Stefano Magaddino. » C’est-à-dire par un des parrains historiques de la Mafia !
À Niagara Falls, Don Stefano Magaddino est une institution. Gros industriel réputé intouchable, tout le monde connaît son surnom, « le Croque-mort », et si le commun des mortels pense qu’il vient de son entreprise de pompes funèbres, la Magaddino Memorial Chapel, les mauvaises langues disent qu’il ne l’a pas volé.
Don Stefano Magaddino est né en terre mafieuse à Castellammare del Golfo, en Sicile. Il a débarqué aux États-Unis au sortir de l’adolescence, sans doute vers 1910. La communauté castellammaraise de Brooklyn l’a adopté au point d’en faire une de ses figures de proue. À Brooklyn, il a retrouvé de vieux ennemis, des représentants de la famille Buccellatto. Les guerres commencées à Castellammare del Golfo se sont poursuivies à Brooklyn. Restée dans les annales de la Mafia, la guerre opposant les Magaddino aux Buccellatto a fait des dizaines de morts. Pour la gagner, Stefano Magaddino a créé un groupe armé baptisé « the Good Killers », les Bons Tueurs. Les « bons » tueurs à gages sont répartis par groupes soigneusement cloisonnés. L’organisation des Bons Tueurs est l’ancêtre de la Murder Inc. des années 1930.
Dans les années 1920, ayant échappé de justesse à un attentat, Stefano Magaddino a réglé ses comptes en assassinant un des parrains des Buccellatto. Arrêté par la police, il est relâché à l’issue d’un procès qui tourne au pugilat. Il est temps pour lui de changer d’air. Les chefs de la mafia new-yorkaise lui proposent de reprendre en main les destinées de la famille qui règne sur la région de Buffalo, dans le nord de l’État. Stefano Magaddino s’installe donc à Niagara Falls et se trouve au bon endroit au bon moment. La frontière canadienne n’est pas loin, la région est celle de tous les trafics. Rapidement, la prohibition fait de Magaddino un homme riche. Niagara Falls et Buffalo deviennent les plaques tournantes de la contrebande d’alcool en provenance du Canada. Sa famille mafieuse fait aussi dans le racket, l’usure, les jeux. Elle contrôle syndicats et politiciens.
Stefano Magaddino semble indestructible. En 1936, sa sœur meurt dans l’explosion d’une bombe qui lui est destinée : ses ennemis se sont trompés de maison. En 1958, un tueur jette une grenade dans sa cuisine, elle n’explose pas. Au début des années 1960, dans le cadre d’un putsch au sein du gouvernement de la Mafia, son cousin Joe Bonanno, dit Joe Banana, envisage de le tuer, ainsi qu’une dizaine d’autres parrains new-yorkais ; le complot fait long feu. En octobre 1964, les hommes de Magaddino enlèvent Joe Bonanno en plein jour dans le quartier résidentiel de Park Avenue, à Manhattan ; le parrain est relâché au bout de dix-neuf mois après avoir promis de démissionner de son poste de chef de famille. Ce qu’il se gardera de faire.
Depuis des décennies, Stefano Magaddino fait partie du gouvernement de la Mafia. Il est de toutes les conférences. On le signale à La Havane en 1946, ou encore, dix ans plus tard, au « sommet » d’Appalachin, dont il est un des organisateurs. Des années après, le FBI de Chicago intercepte une conversation dans laquelle Sam Giancana lui reproche la débâcle d’Appalachin.
« J’espère que tu es satisfait d’avoir permis à la police d’identifier soixante parrains », lui dit Giancana avant de lui expliquer qu’il aurait mieux fait de l’écouter et d’organiser le sommet à Chicago : « C’est l’endroit le plus sûr au monde pour une grande réunion. Tu aurais pu répartir tes gars dans mes motels et on aurait pu se réunir dans un de mes restaurants. Les flics ne nous embêtent pas, ici. Nous avons les chefs de la police de trois villes voisines dans notre poche. Nous avons ce que personne n’a : le contrôle total du territoire. »
Stefano Magaddino acquiesce, mais se garde bien de lui dire qu’il contrôle son territoire encore plus étroitement que l’Entreprise ne le fait à Chicago. Il aurait pu aussi rétorquer à Sam Giancana que si le FBI traquait les parrains à Chicago, c’était
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