FBI
les deux hommes battent en retraite. Quelques jours plus tard, profitant d’une nouvelle opportunité, Ed Tickle et les agents s’en retournent chez le parrain. Ed Tickle introduit la clef, mais la serrure ne cède pas. L’empreinte prise n’est pas assez précise. Trois autres tentatives sont nécessaires avant de pouvoir faire irruption dans la maison.
Sitôt entrés chez Magaddino, les agents du FBI jettent des boulettes de viande farcies de somnifère en direction du chien du parrain, qui les avale et s’endort. Ils n’ont que peu de temps pour opérer. Ce sont des spécialistes, ils n’ont pas leur pareil pour poser des micros sans laisser de trace. Ils ont à peine fini qu’on leur signale par talkie-walkie le retour du parrain. Ils ont cinq minutes pour quitter les lieux. Vite, les agents du FBI rangent leurs affaires, remettent tout en ordre et se dirigent vers la porte. En chemin, un Agent spécial remarque les restes du festin canin. Il ramasse les boulettes de viande qui traînent au milieu du couloir et les fourre dans sa poche. Ce n’est que dans la voiture, quelques minutes plus tard, qu’il réalise son erreur : ce ne sont pas des boulettes qu’il a ramassées, mais des… crottes de chien !
Au bout de quelques mois, Neil Welch lance ses troupes à l’assaut de la forteresse Magaddino. Le 9 mai 1967, six agents du FBI, accompagnés de quinze policiers municipaux et de deux policiers de l’État, font irruption dans un restaurant où 250 hommes de Magaddino enterrent la vie de garçon de l’un d’entre eux. Tout ce que la Cosa Nostra de Buffalo compte d’hommes d’honneur participe au banquet, à l’exception du chef de la famille, Stefano Magaddino. Certains des parrains arrêtés étaient même présents à la conférence d’Appalachin. Le lendemain, les journaux titrent sur ce qu’ils appellent le « petit Appalachin ».
Pendant que les Agents spéciaux procèdent à l’arrestation du plus gros des convives dans les étages du restaurant, une cinquantaine de mafieux, dont les plus gros poissons, restés au rez-de-chaussée, s’enferment dans la cave à vins. Ils espèrent encore pouvoir passer entre les mailles du filet. Leur espoir sera de courte durée, puisqu’ils seront découverts le lendemain matin par les agents fédéraux1.
Disposant de suffisamment d’éléments, Neil Welch obtient ce qu’il voulait : Stefano Magaddino fait enfin l’objet d’une instruction.
Le 27 novembre 1968, les Agents spéciaux, accompagnés de marshalls, investissent la maison de Stefano Magaddino. À l’étage, le vieil homme est au lit, trop faible, dit-il, pour les suivre. Le médecin de famille arrive peu après et signe un certificat médical attestant que le parrain est atteint de la grippe… sicilienne ! Il place Magaddino sous oxygène et affirme que son patient est trop faible pour que les Agents spéciaux prennent ses empreintes digitales. Très poli, Neil Welch rétorque : « Il n’aura pas mal : nous voulons juste lui tenir la main. » Tandis que les agents du FBI badigeonnent ses doigts d’encre, le parrain se débat et, dans un râle, dit : « Prenez une arme, prenez une arme et tuez-moi ! »
Le SAC appelle le Siège et demande à parler au Directeur. On lui passe un superviseur, qui lance : « C’est à quel propos ? » Neil Welch ne veut pas le dire. Trois interlocuteurs plus tard, il accède enfin au poste de la secrétaire particulière du Directeur, la fidèle Helen Gandy, à qui il consent à laisser ce message : « Dites à Monsieur Hoover que je viens d’arrêter Stefano Magaddino, pour lui. »
Neil Welch sait-il qu’il n’a guère de chances de traîner Stefano Magaddino devant les tribunaux ? Le SAC n’ignore pas qu’il ne peut produire toutes ses pièces à conviction. Il ne peut donner l’identité de ses informateurs, ni révéler qu’il s’est servi de moyens que la justice ne reconnaît pas. Pour faire tomber Magaddino, Welch a un autre plan : lors de la perquisition chez le parrain, il a saisi 530 000 dollars, et il ne s’est pas privé de le faire savoir. Il a en outre décortiqué les comptes du parrain et s’est arrangé pour que la famille mafieuse de Buffalo l’apprenne. Welch sait que le parrain, très près de ses sous, a prétexté le marasme financier pour ne pas verser de dividendes aux autres membres de la famille pour l’année en cours. On comprend leur fureur en découvrant que les comptes
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