FBI
plus, découvert son antre : c’est l’Anchor Bar, une taverne située non loin du carrefour de la 4 e Avenue et de Fort Street.
L’Anchor Bar, c’est un peu le souk du crime organisé à Detroit. Tous les gangsters et mafieux s’y retrouvent régulièrement pour traiter leurs affaires. Et ça n’arrête jamais : nuit et jour, à tout instant, il se passe quelque chose de criminel à l’Anchor Bar, selon un cycle parfaitement rodé. Le matin, le bar est investi par les bookmakers clandestins venus prendre les paris ; l’après-midi est réservé aux trafiquants de drogue, et le soir aux maquereaux. Matin, midi et soir défilent des dizaines de fonctionnaires, de conseillers municipaux, de juges, dont Neil Welch soupçonne qu’ils viennent aussi là pour conclure des affaires. Lors des émeutes de 1967, quand un arrêté municipal ordonne la fermeture de tous les commerces de la ville, l’Anchor Bar reste ouvert afin d’accueillir les juges, policiers et autres politiciens locaux qui constituent le gros de sa clientèle.
L’Anchor Bar appartient à l’un des premiers journaux de la ville, le Detroit News , qui occupe le bâtiment voisin. Or l’éditeur du Detroit News a l’intention de résilier le bail du bar, pour raser le bâtiment et transformer l’endroit en parking. Neil Welch lui demande de différer son projet, en échange de quoi il lui promet le scoop dont rêvent tous les journaux : l’exclusivité sur la plus grande rafle de mafieux depuis le sommet d’Appalachin.
Neil Welch a un problème : l’Anchor Bar étant ouvert nuit et jour, ses poseurs de micros ne peuvent profiter de la fermeture de l’établissement pour opérer. L’éditeur du Detroit News aide le SAC en lui fournissant les clefs d’une cave à charbon qui possède un mur mitoyen avec l’Anchor Bar. Déguisés en charbonniers, des agents du FBI pénètrent dans la cave et ménagent délicatement dans le mur un petit orifice donnant directement dans la salle de l’Anchor Bar ; ils y installent une caméra. Dernier cri de la technologie, celle-ci est la même que celle qui a été employée par les astronautes pour filmer leurs premiers pas sur la Lune. Dotée d’une optique spéciale, elle enregistre des images pratiquement sans lumière. Afin d’écouter les conversations, les techniciens du FBI se sont arrangés pour faire passer leurs micros à travers les bouches d’aération du bar. Dans la salle, des agents du FBI viennent régulièrement prendre des consommations ou déjeuner ; déguisés en ouvriers du bâtiment, ils forment un groupe compact qui finit par faire partie du décor. Ils n’adressent jamais la parole à personne et semblent ne se mêler que de leurs propres affaires. En réalité, rien ne leur échappe. Ils voient de grosses sommes d’argent changer de mains, écoutent des conversations. Ils ont des micros émetteurs-récepteurs et signalent parfois des suspects à leurs coéquipiers au-dehors.
La cible principale des agents du FBI est un vaillant sexagénaire, Charles Sherman. L’homme arrive tous les matins ponctuellement à 7 h 30, prend un petit déjeuner à base d’œufs et de bacon. Non loin, contre le mur, se trouve un téléphone public à pièces. Chaque fois qu’il sonne, Charles Sherman va répondre. Ses conversations sont aussi brèves que nombreuses. À 10 h 30 précises, il quitte l’Anchor Bar. Il a fini sa journée de travail. Les agents du FBI ne tardent pas à découvrir que Sherman est à la tête de la plus grosse affaire de paris clandestins de la région, que son chiffre d’affaires annuel est de 15 millions de dollars, et qu’il compte des dizaines d’employés. Le 6 mai 1971, 400 agents agissent simultanément dans 37 villes du Michigan et arrêtent 150 personnes. À Washington, le Procureur général John Mitchell, tient à être le premier à diffuser l’information : il convoque une conférence de presse et annonce le plus grand raid contre les jeux clandestins de toute l’histoire du FBI. C’est aussi la première enquête filmée et enregistrée par le FBI. J. Edgar Hoover apprendra la nouvelle du raid en lisant les journaux.
Neil Welch a une dette à acquitter. Il se rend au siège du Detroit News . Il est en train de raconter toute l’histoire à son rédacteur en chef, quand le téléphone sonne : c’est l’attaché de presse du Procureur général qui vient donner sa version des faits et attribuer à son patron un peu plus de
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