FBI

présentés par le parrain ne sont pas « sincères ». « Le fils de pute ! s’exclame sa belle-fille, il m’a juré qu’il n’avait pas assez d’argent pour nous emmener en Floride, il nous a dit qu’il était fauché ! » Au sein de la famille de Buffalo, la révolte gronde. Quelques mois plus tard, c’est le putsch : les capitaines de Magaddino lui retirent ses pouvoirs. Ce sont trente années de règne qui se terminent. Neil Welch est arrivé à ses fins. Mais à la voie royale, celle des procès, il a préféré les sentiers tortueux des techniques de « contre-intelligence » déjà utilisées lors de l’opération « Cointelpro » contre le Parti communiste et le Ku Klux Klan.
    Le SAC de Buffalo n’assistera pas à la suite des événements. Quand les Agents spéciaux font irruption lors de la cérémonie d’intronisation du nouveau chef de la famille, Salvatore Pieri, Neil Welch a déjà gagné Detroit en tant que SAC du bureau de la ville.
    Petits arrangements avec la presse
     
    En ce début des années 1970, Detroit est une des villes les plus violentes des États-Unis. Elle ne s’est pas encore remise des émeutes de 1967, qui ont duré douze jours et ont fait quarante morts. En mai 1970, après avoir pris le pouls de la ville, quelques semaines seulement après son arrivée en tant que SAC, Neil Welch explique : « Detroit, la nuit, était plus sensible au crime qu’au châtiment. » La tâche ne s’annonce pas facile. À l’intérieur du Bureau, les Agents spéciaux ont surnommé Detroit « la Rivière », parce qu’« elle emporte les SAC comme des fétus de paille ». Welch est le neuvième en sept ans : c’est un record. Les agents répugnent à travailler dans la rue. Le bureau de Detroit est réputé pour sa mentalité d’assiégé.
    Depuis les années 1920, Detroit est un des hauts lieux de la criminalité organisée. C’était le territoire du « Purple Gang » et de ses tueurs, responsables pour le moins de la mort de cinq cents victimes. Dirigé par des gangsters d’origine juive, le Gang Pourpre tire sa richesse de la contrebande d’alcool avec le Canada voisin durant la prohibition. La réputation de ses hommes de main dépasse largement les frontières de la ville. En 1929, Al Capone loue les services de trois d’entre eux pour les inclure dans le groupe de feu responsable du massacre de la Saint-Valentin. Cette redoutable organisation ne peut qu’intéresser la Mafia. Quand Lucky Luciano et Meyer Lansky créent le Murder Inc., Syndicat national du crime, au début des années 1930, ils proposent au Gang de les rejoindre. Le Gang accepte et intègre la Cosa Nostra.
    Depuis, la criminalité organisée prospère en silence à Detroit et tire le gros de ses revenus des jeux clandestins. Sitôt arrivé, le SAC Welch demande à examiner les statistiques du Bureau. Le nombre annuel d’affaires de jeux dans tout l’État du Michigan représente à peine la moitié de celui que Welch faisait chaque mois pour la seule ville de Buffalo ! « Pour moi, l’État du Michigan, c’est la forêt vierge de la criminalité organisée », commente Neil Welch.
    Le SAC convoque ses agents et envoie une délégation au bureau de Buffalo afin de former les hommes à ce qu’il attend d’eux. Il rassemble tous les agents des petites résidences de Grand Rapids, Flint, Saginaw et Kalamazoo, et demande à chacun de faire un point sur l’état de la criminalité organisée sur son territoire.
    « Vous savez, ici, on n’a pas de problèmes de Mafia, lui répond un vieil agent. C’est bon pour les grandes villes comme Detroit…
    – La criminalité organisée étant ma première priorité, réplique Welch, je vais donc fermer toutes mes résidences et en réaffecter tous les agents à Detroit. »
    Cinq minutes après cet échange, Welch apprend de la bouche des agents résidents que la Mafia se porte bien et prospère, en fait, dans tout l’État du Michigan.
    À l’époque, la criminalité organisée n’est pas encore une des cibles du Bureau. La mode est encore à l’opération « Cointelpro » et à la chasse aux Black Panthers, aux déserteurs de la guerre du Vietnam et autres étudiants gauchistes du SDS. Mais Welch répugne à se servir d’une opération aussi dangereuse que « Cointelpro » contre ses propres enfants ou ceux de ses agents. Il lui faut un adversaire à sa mesure. Il l’a trouvé : c’est la criminalité organisée. Il a, de