FBI
responsabilités qu’il n’en a eu. Le rédacteur en chef le remercie et lui dit que ce n’était pas la peine de l’appeler : il a déjà tout ce qu’il lui faut. Devant l’incrédulité de son correspondant, il tend le téléphone à Neil Welch qui lâche, triomphant : « Cette fois, on vous a eus, bâtards ! »
Parmi les personnes arrêtées, il y a seize policiers. Dans le Michigan plus que partout ailleurs, l’appareil répressif est gangrené par la criminalité organisée. Neil Welch est résolu à faire le ménage.
La « Batcave »
Le 22 septembre 1972, deux hommes remontent une allée du rayon lingerie féminine de Weigelmann’s, un des plus grands magasins de la ville. Non loin des cabines, ils s’arrêtent devant une porte vitrée, qu’ils ouvrent, et pénètrent dans un couloir qui les conduit à un ascenseur de service. Arrivés au sous-sol, ils empruntent un nouveau couloir pour disparaître derrière une lourde porte rouillée. « Monsieur le Directeur, dit Neil Welch, bienvenue à la “Batcave” ! »
Patrick Gray est directeur du FBI depuis seulement cinq mois. Il a tenu à inaugurer sa tournée des principaux bureaux du pays par Detroit, endroit oublié de Washington depuis 1943, date de la dernière visite d’un directeur. Après lui avoir proposé de visiter son « unité spéciale », la neuvième, le SAC Neil Welch n’a pas résisté au plaisir de le faire passer par l’issue de secours, c’est-à-dire par le rayon lingerie féminine de Weigelmann’s. Normalement, cette voie d’accès est réservée aux agents qui se sentent suivis. L’entrée principale de la « Batcave » est au rez-de-chaussée d’un immeuble de bureaux dont le propriétaire a été mis dans la confidence. Officiellement, les bureaux sont au nom d’une banque d’affaires. Méfiants, les agents du FBI changent régulièrement les serrures de la porte blindée et vérifient fréquemment le système d’alarme. Personne d’autre que les agents de la neuvième unité n’a le droit de pénétrer dans la « Batcave » ; même les équipes de nettoyage du Bureau sont interdites : les agents se chargent eux-mêmes de faire le ménage. Le Bureau donne directement sur un garage privé abritant un parc de voitures comme on n’en a jamais vu au FBI : une trentaine de voitures de sport, des berlines, des voitures banalisées, des taxis, de grosses motos, des camionnettes.
Une fois à l’intérieur de ce que les agents surnomment donc la « Batcave », Patrick Gray a du mal à en croire ses yeux. Sur les murs, les photos des principaux mafieux de Detroit, des plans de la ville avec les zones d’influence de la Mafia. Les demeures des parrains et leurs lieux de rencontre sont indiqués par de petits drapeaux. Au centre de la grande pièce trône un central radio destiné aux filatures ; dans un coin, les bobines de magnétophone tournent, témoignant d’écoutes en cours. Dans la pièce d’à côté, un studio de maquillage avec perruques, fards et moustaches. Une trentaine d’hommes attendent le Directeur. Ils ont plus l’air de mafieux que d’agents : cheveux longs, barbes, moustaches, ils sont vêtus comme seuls l’étaient les « hommes d’honneur » au début des années 1970. Neil Welch a prévu de faire une présentation des activités de son « unité spéciale », avec graphiques et photos, censée durer dans les trois heures. Pour ne pas effrayer son directeur, il ne lui fait pas part de toutes les améliorations technologiques apportées à la « Batcave ». Par exemple, les murs de son quartier général ont été doublés d’une couche de plomb réfractaire aux ondes, comme les ambassades américaines situées derrière le rideau de fer. Ainsi, il ne court pas le risque que la Mafia écoute les conversations de ses hommes.
Le directeur du FBI demande à Neil Welch :
« Qui, à Washington, est au courant de cette opération ?
– Personne d’autre que vous et moi. »
Neil Welch expose à Patrick Gray les grandes lignes d’une grosse affaire de corruption qui mobilise son unité spéciale. L’opération a commencé par la condamnation en première instance de John Whalen à une peine allant de sept à dix ans de prison pour cambriolage. À l’époque, un vaste réseau de corruption gangrène le système judiciaire du Michigan : il est possible d’acheter des grâces moyennant quelques dizaines de dollars. Or John Whalen sait par qui passer
Weitere Kostenlose Bücher