FBI

donnent rien. Tony Daniels espère obtenir plus de résultats avec Ed Robb. Le bureau du FBI de Tampa a un informateur dans l’entourage de Vincenzo Acquafredda. Les agents fédéraux savent que le parrain cherche un associé pour développer sa société. L’informateur du FBI présente Robb à Acquafredda. Le courant passe. Le parrain propose à l’Agent spécial de travailler dans une salle de jeux clandestine installée dans une superbe résidence. Devant l’endroit, Robb voit quatre voitures de la police locale :
    « Putain, c’est quoi, ça ?
    – Relaxe, répond Acquafredda, ils vivent ici…
    – Moi, je ne travaille pas là, j’aime pas les flics ! »
    Acquafredda tente de rassurer Robb : ces policiers-là ne poseront aucun problème. Il donne assez d’argent au numéro deux de la police locale et à certains de ses hommes pour être tranquille.
    Quand Robb ne travaille pas dans le casino d’Acquafredda, il s’occupe de sa société de collecte d’ordures. Quelques mois plus tard, Tony Daniels décide de faire passer « Coldwater » à la vitesse supérieure, et suggère à Ed Robb d’ouvrir un club où les mafieux pourraient se retrouver et parler en toute confiance. Mais pas question de s’aventurer sans autorisation. Robb expose son projet de club, et Acquafredda donne son accord, moyennant un pourcentage. « OK pour l’alcool et le jeu, dit le parrain, mais pas de putes ni de drogue. » C’est ainsi qu’Ed Robb devient le premier agent du Bureau à recevoir son « territoire » des mains d’un parrain. Quelques mois plus tard, avec l’argent du Bureau, il ouvre le King’s Court Club dans la petite ville de Holiday, dans le comté de Pasco, à une trentaine de kilomètres de Tampa. Le club occupe un vaste hangar. Il a été entièrement aménagé en fonction des désirs des « hommes d’honneur » et des besoins des mafieux : il y a un bar, un restaurant, une piste de danse et un casino clandestin. Dans chaque pièce, micros et caméras cachés enregistrent les conversations. Les techniciens du FBI sont même arrivés à installer des micros dans les chandeliers qui trônent au milieu des tables du restaurant. L’endroit attire rapidement les mafieux de la région et les policiers à leur solde. Le FBI se régale. Il est temps de passer à la troisième et dernière étape de l’opération « Coldwater ».
    Une vieille connaissance, Santo Trafficante
     
    La Mafia américaine considère la Floride comme un « État ouvert », c’est-à-dire que toutes les Familles ont le droit de s’y installer pour faire des affaires. Des représentants des Familles venus des grandes villes du Nord y travaillent entre eux. Ils s’associent, s’échangent les affaires. La société d’ordures dont s’occupe Ed Robb passe de la famille Gambino à celle des Lucchese, pour terminer entre les mains des Bonanno. La seule région de la Floride contrôlée par une famille mafieuse locale est celle de Tampa, sur la côte ouest. Pour s’y installer et y travailler, Vincenzo Acquafredda a dû demander la permission au parrain du cru. Dans ce contexte, Tony Daniels a une idée diabolique : pourquoi ne pas faire venir une famille new-yorkaise à Tampa et voir ce qui se passe ? Cette manœuvre n’aurait pas été désavouée en leur temps par les stratèges de « Cointelpro ». Au mieux, il y aura une guerre ; au pis, une entente. Dans tous les cas, le FBI tirera profit de la situation. En cas de conflit, il y aura des morts et des arrestations. Si les deux familles font affaire, le Bureau sera aux premières loges, grâce à Ed Robb et à un autre infiltré que Tony Daniels connaît bien ; le responsable du FBI demande en effet à Joe Pistone d’attirer les Bonanno à Tampa.
    Ce faisant, Tony Daniels abat son jeu et désigne la véritable cible de « Coldwater ». Cette cible, c’est le chef de la famille de Tampa, une vieille connaissance du FBI, Santo Trafficante Junior. Santo Trafficante est sans doute, avec Meyer Lansky, le dernier des fondateurs de la Cosa Nostra américaine encore en vie. Les Lucky Luciano, Frank Costello, Stefano Magaddino ou autres Joe Bonanno sont morts et enterrés depuis longtemps.
    Santo Trafficante est un parrain comme on n’en fera jamais plus. Il a hérité son titre de son père. Il contrôle toute la province de Tampa, et son influence se fait sentir tout le long de la côte ouest de la Floride. On le signale à la conférence de La Havane