FBI

s’isolent pendant une heure dans un coin du café du Tahitian Motor Lodge pour mettre au point la répartition des bénéfices : un tiers pour Trafficante, un tiers pour la famille Bonanno, le reste pour l’équipe venue de Miami s’occuper du spectacle, des jeux et de l’usure.
    Joe Pistone enregistre régulièrement ses conversations avec Sonny Black. Il porte un micro relié à un petit magnétophone Nagra dissimulé dans ses bottes. Dès qu’il le peut, il emprunte la voiture de son collègue Ed Robb, qui est sonorisée. Mais le véhicule de Robb est immatriculé en Virginie, ce qui attire l’attention de Lefty Ruggiero. « C’est une voiture de location, ça ne veut rien dire », assure Pistone. Lefty ne veut rien entendre : il trouve cela louche et pense qu’Ed Robb est un agent du FBI. Il vérifie son identité, son casier judiciaire. Les faussaires du FBI connaissent leur métier et la couverture d’Ed Robb (Toni Rossi) est solide.
    Au début des années 1980, les deux infiltrés apprennent que le juge William Webster, directeur du FBI, souhaite les rencontrer en Floride. Au début, ils ne sont pas très chauds : une telle rencontre présente toujours un risque, mais, en bons Agents spéciaux, ils acceptent. Le rendez-vous est fixé dans un des hôtels de l’aéroport de Tampa, le Bay Harbor Hotel, où Pistone et Robb vont parfois prendre un verre. L’endroit offre l’avantage d’être éloigné juste ce qu’il faut de leur base de Holiday, suffisamment du moins pour que la rencontre n’ait pas lieu sous les regards de la Mafia, mais assez proche pour que leur présence n’inspire pas de méfiance. Les deux agents s’installent au bar de l’hôtel. Peu avant minuit, Joe Pistone se lève et s’engouffre dans l’ascenseur. Quelques minutes plus tard, c’est au tour d’Ed Robb de le rejoindre dans une suite occupée par le juge. William Webster est un homme austère et sérieux. Il a étudié à fond le dossier de l’opération « Coldwater » et connaît le rôle de chacun des agents. Il est venu en Floride pour les encourager. Il les remercie de leur dévouement et des sacrifices qu’ils consentent. Une heure plus tard, les deux Agents spéciaux quittent l’hôtel, remontés à bloc.
    Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête de Joe Pistone. Quelques mois avant le début de « Coldwater », alors que Pistone faisait ses premiers pas au sein de la famille Bonanno et qu’il essayait d’impressionner les mafieux, il passait des vacances en Floride avec Lefty Ruggiero. Un jour, au bord d’une piscine, à Miami, Ruggiero a fait part de son envie d’aller pêcher au gros sur un des yachts mouillant au large. Par son agent de contact, Pistone a appris que le FBI louait à une société chinoise un luxueux bateau, le Left Hand , en mouillage au quai 66 de Fort Lauderdale. Le Left Hand était destiné à une importante opération en cours, « Abscam », visant des hommes politiques véreux. Joe Pistone connaissait l’agent en charge d’« Abscam » : son ancien mentor, John Good. Il était aussi au mieux avec le numéro deux de l’opération, Tony Amoroso, un ancien de l’« équipe des Camions ». Pistone informa Amoroso de son intention d’emprunter le Left Hand pour emmener ses amis mafieux à une partie de pêche. « Je lui ai dit qu’il ferait mieux de ne pas le faire, témoigne Tony Amoroso. Il est toujours risqué de mélanger deux opérations d’infiltration. »
    Mais Joe Pistone est comme un train lancé à grande vitesse et que rien n’arrête. Il entraîne donc Lefty Ruggiero et quelques « hommes d’honneur » dans une partie de pêche comme on en fait tant en Floride. Ce n’était pas une bonne idée : l’agent infiltré aurait pu louer un yacht certes un peu moins luxueux, mais qui aurait tout aussi bien fait l’affaire, d’autant plus que, du strict point de vue de l’enquête, la croisière n’a rien apporté. Les micros et les caméras dissimulés à bord du Left Hand n’ont rien enregistré d’intéressant ni de significatif.
    Un an plus tard, l’affaire remonte à la surface. Les agents d’« Abscam » s’apprêtent à jeter leur filet et à arrêter les cibles de l’opération. Informé de l’imminence de ces arrestations, Joe Pistone réalise qu’il risque fort de se retrouver dans une situation délicate. Le FBI va devoir fournir ses preuves, dont des enregistrements effectués à bord du Left Hand . Et