FBI

avec certains avocats dans un bar non loin du Palais de Justice, une fois sa journée terminée, Terry Hake rejoint le groupe des consommateurs. Il finit par se lier avec l’un des avocats, Jim Costello, dit « Grand Échalas » en raison de sa taille. Costello devient son mentor et lui conte une vie de corruption commencée dans la police : 20 dollars par feu rouge grillé, 50 pour un port d’arme prohibée ; ça a continué après sa nomination comme substitut du procureur : 100 dollars pour arranger une conduite en état d’ivresse ou un délit de trafic de drogue ; et ça s’est poursuivi quand il a rejoint le barreau du comté. Seulement, maintenant, de corrompu il est devenu corrupteur. « Il a grandi dans le système de corruption, note Terry Hake ; pour lui, la loi se résume à des pots-de-vin. » Ce n’est pas par bravade que Costello raconte ses histoires, mais pour tester Hake. Le jeune homme écoute, rit avec son compagnon, a l’air intéressé. Un jour, Costello vient le trouver à son bureau et lui remet un billet de 100 dollars. Comme ça, sans demander de contrepartie.
    « Mais pourquoi tu fais ça ? demande Hake.
    – Pour te remercier d’être un chouette pote ! »
    En sortant du Palais de Justice, Terry Hake a l’impression que l’argent lui brûle la poche et que tous les passants le dévisagent. Il se dirige vers la première cabine téléphonique et appelle le Bureau. C’est un vendredi soir, tous les agents de « Greylord » sont déjà rentrés chez eux. Après avoir remué ciel et terre, l’infiltré finit par rencontrer un substitut du procureur chargé de l’opération « Greylord », à côté du stade des Chicago Bulls. Le substitut lui explique que « recevoir 100 dollars parce qu’on est un chouette pote peut difficilement être qualifié de corruption ».
    Au début, Terry Hake fixe son magnétophone sous son bras gauche à l’aide d’une bande adhésive. Mais le frottement de cette dernière lui irrite la peau. Alors il décide de porter deux sous-vêtements pour fixer son Nagra sur le premier. La veille de se servir pour la première fois du magnétophone, Terry Hake n’a pu fermer l’œil de la nuit. Son premier enregistrement est une conversation avec Jim Costello. Hake est tout excité quand il remet le magnétophone à Lamar Jordan, lors d’une rencontre clandestine dans une galerie d’un musée de Chicago. Sur la bande, une longue conversation sur la corruption à Chicago avec des noms de juges pourris, le montant des sommes encaissées.
    Après avoir jeté un coup d’œil au Nagra, Lamar Jordan lâche : « Terry, tu as appuyé sur le mauvais bouton : il n’y a rien sur cette bande ! »
    Un jour, un de ses collègues le prend par le bras et sent l’appareil. Il pense que c’est une arme à feu. Sans perdre son calme, Terry Hake lui explique qu’il porte un corset pour soulager son mal de dos. Finalement, Hake fait ce que font tous les infiltrés : il porte des bottes de cow-boy dans lesquelles il dissimule son Nagra.
     
    Grâce à Jim Costello, Terry Hake est désormais admis dans la grande famille des proches de magistrats corrompus. Son indulgence n’est pas cher payée : à peine une centaine de dollars. Mais c’est le tarif. Dans le comté de Cook, on table sur la quantité. « C’est comme au supermarché, explique Terry Hake ; les tarifs sont bas, mais il y a un tel volume d’affaires que le juge Olson, par exemple, peut doubler son salaire de 160 000 dollars par an. En plus, ces sommes ne sont pas imposables ! »
    Tout s’achète et tout se vend au supermarché de la corruption du comté de Cook : les voleurs de voitures, les trafiquants de drogue, les époux en instance de divorce, chacun y va de sa dîme. Dans les tribunaux de commerce, le tarif est plus élevé et il arrive à des banques ou à des multinationales de verser 50 000 dollars pour obtenir ce qu’elles veulent.
    Rapidement, la réputation de corruption de Terry Hake n’est plus à faire. Dans le milieu, on le surnomme « Terry Tu Touches ». Il tient la comptabilité de ses pots-de-vin et enregistre toutes ses conversations. À la fin, il ne prête même plus attention à son Nagra. Pourtant, il n’arrive pas à se faire à l’idée d’enregistrer des juges. Chaque fois qu’il doit le faire, il devient nerveux. « Sans doute parce qu’ils sont au sommet de la chaîne alimentaire… », confie-t-il.
    Terry Hake, Jim Costello et le